Furetière.
Le Roman Bourgeois.
Le Roman Bourgeois.
Furetière (Antoine), né à Paris en 1620, mort en 1688, est surtout connu pour son Dictionnaire de la langue française et par son Roman Bourgeois.
Il avait été reçu membre de l'Académie française en 1662. Ses confrères, ayant appris qu'il s'occupait de rédiger un Dictionnaire qui ferait concurrence à celui de l'Académie, le forcèrent à abandonner son fauteuil. Il s'ensuivit des procès et des libelles. Furetière mourut deux ans avant que son dictionnaire, qu'on a longtemps consulté avec profit, eût été imprimé.
Le Roman bourgeois n'est pas, à proprement parler, ce qu'on appelle aujourd'hui un roman: c'est plutôt, comme l'auteur le dit lui-même dans une préface, un "récit de petites histoires et aventures arrivées en divers quartiers de la ville, qui n'ont rien de commun ensemble." Furetière, toutefois, a cherché à les rapprocher les unes des autres autant qu'il a été possible; mais l'unité manque, et aussi l'intérêt.
Le seul mérite de cet ouvrage est de peindre avec une certaine vérité comique les mœurs de la bourgeoisie en un temps où les auteurs ne s'intéressaient guère qu'à celles de la cour. Plus d'un de nos contemporains y a puisé, sur les usages du dix-septième siècle, des détails qu'il aurait vainement cherchés ailleurs. Monteil le cite souvent. (1)
Voici, par exemple, une page où Furetière, tout en plaisantant, a dressé une sorte de tableau hiérarchique assez curieux de professions, charges ou titre, qui se rapportent au milieu de la seconde moitie du dix-septième siècle.
L'auteur feint qu'il existe un tarif indiquant les partis auxquels les jeunes filles peuvent prétendre selon leur dot:
"Sçachez, dit-il, que la corruption du siècle ayant introduit l'usage de marier un sac d'argent avec un autre sac d'argent en mariant une fille avec un garçon, comme il s'étoit fait un tarif, lors du décri des monnoies, pour l'évaluation des espèces, aussi, lors du décri du mérite et de la vertu, il fut fait un tarif pour l'évaluation des hommes et pour l'assortiment des partis."
Voici la table qui en fut dressée:
(1) Histoire des français des divers états.
Le Magasin pittoresque, février 1875.
Le Roman bourgeois n'est pas, à proprement parler, ce qu'on appelle aujourd'hui un roman: c'est plutôt, comme l'auteur le dit lui-même dans une préface, un "récit de petites histoires et aventures arrivées en divers quartiers de la ville, qui n'ont rien de commun ensemble." Furetière, toutefois, a cherché à les rapprocher les unes des autres autant qu'il a été possible; mais l'unité manque, et aussi l'intérêt.
Le seul mérite de cet ouvrage est de peindre avec une certaine vérité comique les mœurs de la bourgeoisie en un temps où les auteurs ne s'intéressaient guère qu'à celles de la cour. Plus d'un de nos contemporains y a puisé, sur les usages du dix-septième siècle, des détails qu'il aurait vainement cherchés ailleurs. Monteil le cite souvent. (1)
Voici, par exemple, une page où Furetière, tout en plaisantant, a dressé une sorte de tableau hiérarchique assez curieux de professions, charges ou titre, qui se rapportent au milieu de la seconde moitie du dix-septième siècle.
L'auteur feint qu'il existe un tarif indiquant les partis auxquels les jeunes filles peuvent prétendre selon leur dot:
"Sçachez, dit-il, que la corruption du siècle ayant introduit l'usage de marier un sac d'argent avec un autre sac d'argent en mariant une fille avec un garçon, comme il s'étoit fait un tarif, lors du décri des monnoies, pour l'évaluation des espèces, aussi, lors du décri du mérite et de la vertu, il fut fait un tarif pour l'évaluation des hommes et pour l'assortiment des partis."
Voici la table qui en fut dressée:
Tarif ou évaluation des partis sortables
pour faire facilement les mariages.
Pour une fille qui a deux mille livres en mariage, ou environ, jusqu'à six mille livres.
Il lui faut un marchand du Palais, ou un petit commis, sergent ou solliciteur de procès.
Pour celle qui a six mille livres, et au-dessus, jusqu'à douze mille livres.
Un marchand de soye, drapier, mouleur de bois, procureur du Châtelet, maître d'hôtel et secrétaire de grand seigneur.
Pour celle qui a douze mille livres, et au-dessus jusqu'à vingt mille livres.
Un procureur en Parlement, notaire ou greffier.
Pour celle qui a vingt mille livres, et au-dessus, jusqu'à trente mille livres.
Un avocat, conseiller du trésor ou des eaux et forêts, substitut du parquet, et général des monnoyes.
Pour celle qui a depuis trente mille jusqu'à quarante-cinq mille livres.
Un auditeur des comptes, trésorier de France, ou payeur des rentes.
Pour celle qui a depuis quinze mille jusqu'à vingt-cinq mille écus.
Un conseiller de la Cour des aydes, ou conseiller du Grand conseil.
Pour celle qui a depuis vingt-cinq mille jusqu'à cinquante mille écus.
Un conseiller au Parlement ou un maître des comptes.
Pour celle qui a depuis cinquante jusqu'à cent mille écus.
Un maître des requêtes, intendant des finances, greffier et secrétaire du conseil, présidents aux enquêtes.
Pour celle qui a depuis cent mille jusqu'à deux cent mille écus.
Un président à mortier, vrai marquis, sur-intendant, duc et pair.
L'auteur ajoute:
"On trouvera peut être que ce tarif est trop succinct, vu le grand nombre de charges qui sont créées en ce royaume, dont il n'est fait ici aucune mention. Mais en ce cas il faudra seulement avoir un extrait du registre qui est aux parties casuelles, de l'évaluation des offices. Car sur ce pied, on ne peut en faire aisément la réduction à quelqu'une de ces classes. La plus grande difficulté est pour les hommes qui vivent de leurs rentes, desquels on ne fait ici aucun état, comme de gens inutiles, et qui ne doivent songer qu'au célibat. Car ce n'est pas mal à propos qu'un de nos auteurs a dit qu'une charge étoit le chausse-pied du mariage; ce qui a rendu nos François si friands de charges, qu'ils en veulent avoir à quelque prix que ce soit, jusqu'à acheter chèrement celle de mouleur de bois, de porteur de sel et de charbon."
En parlant ainsi, Furetière n'exagérait pas autant qu'on pourrait le croire. La vénalité des offices et des charges, si profitable à la fois au trésor royal et au tiers état, prit de son temps, et après lui, des proportions extraordinaires. Afin de multiplier les ressources de la fiscalité, on créa en grand nombre, sous le règne du grand roi, des offices inutiles ou ridicules. Il y eut ainsi des charges de vendeurs d'huîtres, de contrôleurs-visiteurs des suifs, de crieurs héréditaires d'enterrements, de contrôleurs des perruques, etc. Cet expédient de finances s'appliquait à tout; mais ce qui exaspérait surtout la haute noblesse, c'était la vénalité des offices de judicature et des offices "anoblissant", tels que les offices de conseiller au Parlement, les offices de la couronne, les charges de secrétaires du roi, et autres. Saint-Simon s'écrie: "C'est une gangrène qui ronge depuis longtemps tous les ordres et toutes les parties de l'Etat!"
Pour celle qui a depuis trente mille jusqu'à quarante-cinq mille livres.
Un auditeur des comptes, trésorier de France, ou payeur des rentes.
Pour celle qui a depuis quinze mille jusqu'à vingt-cinq mille écus.
Un conseiller de la Cour des aydes, ou conseiller du Grand conseil.
Pour celle qui a depuis vingt-cinq mille jusqu'à cinquante mille écus.
Un conseiller au Parlement ou un maître des comptes.
Pour celle qui a depuis cinquante jusqu'à cent mille écus.
Un maître des requêtes, intendant des finances, greffier et secrétaire du conseil, présidents aux enquêtes.
Pour celle qui a depuis cent mille jusqu'à deux cent mille écus.
Un président à mortier, vrai marquis, sur-intendant, duc et pair.
L'auteur ajoute:
"On trouvera peut être que ce tarif est trop succinct, vu le grand nombre de charges qui sont créées en ce royaume, dont il n'est fait ici aucune mention. Mais en ce cas il faudra seulement avoir un extrait du registre qui est aux parties casuelles, de l'évaluation des offices. Car sur ce pied, on ne peut en faire aisément la réduction à quelqu'une de ces classes. La plus grande difficulté est pour les hommes qui vivent de leurs rentes, desquels on ne fait ici aucun état, comme de gens inutiles, et qui ne doivent songer qu'au célibat. Car ce n'est pas mal à propos qu'un de nos auteurs a dit qu'une charge étoit le chausse-pied du mariage; ce qui a rendu nos François si friands de charges, qu'ils en veulent avoir à quelque prix que ce soit, jusqu'à acheter chèrement celle de mouleur de bois, de porteur de sel et de charbon."
En parlant ainsi, Furetière n'exagérait pas autant qu'on pourrait le croire. La vénalité des offices et des charges, si profitable à la fois au trésor royal et au tiers état, prit de son temps, et après lui, des proportions extraordinaires. Afin de multiplier les ressources de la fiscalité, on créa en grand nombre, sous le règne du grand roi, des offices inutiles ou ridicules. Il y eut ainsi des charges de vendeurs d'huîtres, de contrôleurs-visiteurs des suifs, de crieurs héréditaires d'enterrements, de contrôleurs des perruques, etc. Cet expédient de finances s'appliquait à tout; mais ce qui exaspérait surtout la haute noblesse, c'était la vénalité des offices de judicature et des offices "anoblissant", tels que les offices de conseiller au Parlement, les offices de la couronne, les charges de secrétaires du roi, et autres. Saint-Simon s'écrie: "C'est une gangrène qui ronge depuis longtemps tous les ordres et toutes les parties de l'Etat!"
(1) Histoire des français des divers états.
Le Magasin pittoresque, février 1875.
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