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jeudi 10 décembre 2015

Tomates ou pas tomates?

Tomates ou pas tomates?

Ces choses-là sont toujours amusantes. 
Depuis un temps immémorial, les médecins disent aux arthritiques: Gardez-vous bien de manger des tomates... un véritable poison pour vous, la tomate!
Or, d'une communication toute récente à l'Académie de médecine, il résulte que la tomate est le plus innocent des légumes. Non seulement elle ne saurait nuire aux arthritiques, mais, s'ils en mangent, ils s'en trouveront très bien.
Et on songe aux malheureux, qui, pendant des années et des années, se sont privé d'un mets qui leur agrée, par suite du respect que leur imposa la médecine.
Ce respect prouve que l'homme est né religieux. Il a besoin de croire à des choses qu'il ne comprend pas, qu'il n'ose pas vérifier, encore plus besoin d'obéir à des pontifes.
En ce qui concerne les questions de régime, chacun peut être son propre médecin. Il suffit de s'observer. Mais le vrai malade, celui qui a la foi, celui pour qui croire est une consolation, un soutien, ne dira jamais; "Les tomates me sont défendues et je les aime. Elles me sont défendues parce qu'elles sont considérées comme devant aggraver mon état; nous allons bien voir." Et ce malade n'a pas l'idée de dire à sa cuisinière; "Marie ou Antoinette, ou Augustine, vous me servirez ce soir, de la sauce tomate d'abord, des tomates farcies ensuite. Et comme hors d'oeuvre, je veux des tomates crues assaisonnées."
Au bout de deux ou trois jours d'un pareil ordinaire, notre homme saurait à quoi s'en tenir.
Mais l'esprit religieux aidant, l'arthritique préfère croire sans preuve, sans contrôle.
Et c'est par suite de ce même esprit que beaucoup préfèrent se priver de dîner que d'être treize à table. Ils trouvent plus commode d'accepter une absurdité que de la discuter, convaincus d'ailleurs que l'incrédulité ou le doute sont choses néfastes et dangereuses.

                                                                                                                  H. Harduin.

Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 19 janvier 1908.

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