Exécution de pirates chinois.
Le 10 mai dernier, avait lieu à Kow-Loon, village de la côte de Chine et sur le rivage même qui fait face à l'île de Hong-Kong, l'exécution de dix pirates chinois. Leur crime, ou plutôt leur tentative criminelle mérite d'être racontée.
Au mois de novembre de l'année dernière, le steamer Namoa, de la Compagnie Douglas-Laprack, partait de Hong-Kong pour un voyage ordinaire vers les ports du Nord. Le Namoa, outre une forte cargaison d'opium, emportait un certain nombre de groups de piastres. Parmi les passagers se trouvaient une dizaine de bons apôtres à l'air candide et doux qui, comme les autres, avaient payé leurs places.
Tout à coup, dans la nuit, alors que le Namoa avançait à petite distance de la côte, les bons apôtres se sont transformés en forbans. Se précipiter sur l'homme de barre et le terrasser, empoigner l'officier de quart sur sa passerelle, fut pour eux l'affaire d'un instant.
Ils avaient déjà, à la faveur du tumulte et de l'obscurité, mis le bord au pillage, lorsque la défense s'organisa. Les dix pirates ne tardèrent pas à être acculés à l'arrière et, ne trouvant que cette route libre, sautèrent dans la mer. La proximité de la côte leur permit de gagner la terre à la nage. Malheureusement, il y a des juges, parait-il, même en Chine. Saisis et passés en jugement, ils viennent, par une exécution à laquelle on a voulu donner un grand retentissement, d'expier leur crime.
L'exécution a eu lieu à l'endroit même où ils ont touché terre et vis-à-vis de celui où le crime a été commis.
Après un solennel jugement, affiché dans toutes les provinces de l'empire, les pirates ont été amenés de la prison à Kow-Loon en grande pompe, accompagné du Tao-taï (préfet) de la province et des autorités. Là, après lecture du jugement, on les a fait agenouiller sur une ligne, à deux mètres les uns des autres, et en dix coups de sabres leurs têtes roulaient par terre à côté des corps.
Comme tout bon chinois, ils sont morts sans même pousser un soupir, avec ce mépris particulier de la vie, cette assurance tranquille de l'homme pour qui la vie n'est rien. Notre première photographie, fait au moment même de l'exécution, traduit ce sentiment avec une singulière éloquence.
Quant aux autorités, il est bien possible que la haine de l'étranger innée chez le Chinois ait momentanément seulement cédé à la peur et que cette exécution, malgré la pompe dont elle a été entourée, ne porte aucun fruit.
L'Illustration, samedi 4 juillet 1891.
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