Serrements de mains.
On ferait tout un chapitre sur les différentes manières de serrer la main. Une personne qui se croit supérieure à une autre lui serre la main d'un petit coup sec et rapide. Une autre croit vous faire une grâce extrême en vous abandonnant la main si mollement qu'on la croirait morte.
L'orgueil ou l'indifférence se témoigne encore plus clairement en n'offrant à serrer qu'un doigt ou deux. Un homme qui n'est pas votre ami triture votre main dans la sienne avec une telle brutalité, qu'après vous être tiré de son insupportable étreinte vous éprouvez un sentiment de vive satisfaction en agitant vos doigts et en vous assurant que vous n'avez rien de brisé.
Il y a un art délicat de serrer la main, en commençant par une pression presque irrésistible, qui s'accroît doucement et s'achève en décroissant de même. De biens longues descriptions ne suffirait pas à donner une idée de la variation infinie de ce langage des mains. Il ne faut pas plus de deux secondes à certains serrements pour exprimer très-clairement des sentiments très-complexes: tendresse, dépit, regret, prière, espoir, etc. Ah! le meilleur de tous est celui d'un père, d'une mère, etc., si égal, si plein, si sincère!
Si quelqu'un entreprenait de développer ces idées, il aurait à se proposer quelques autres questions accessoires. Quand convient-il de serrer la main? Dans quelles circonstances doit-on s'abstenir de tendre la sienne? Si l'on vous laisse la main étendue sans la prendre, quelle offense! Mais la vérité est que les codes de politesse qui entrent dans ces détails ne peuvent jamais donner que des conseils très-arbitraires. La grande et seule règle est le tact, qui ne s'enseigne pas. Si tous nos gestes étaient soumis aux prescriptions d'une étiquette absolue, nous ne serions que des automates.
Le Magasin pittoresque, avril 1870.
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