La grève des chemins de fer.
La grève des chemins de fer est terminée. Elle n'a pas rencontré, comme celle des omnibus, la sympathie générale. Le public, souverain anonyme et capricieux, ne s'y est pas montré favorable: peut être a-t-on senti sa sécurité trop directement menacée, peut être aussi les réclamations des grévistes étaient-elles peu sérieuses ou mal définies.
Quoi qu'il en soit, les meneurs du mouvement ont senti, dès le début, l'opinion les abandonner, et, s'ils sont parvenus à entraîner un instant une partie des ouvriers et des préposés aux services accessoires, le personnel essentiel des Compagnies, mécaniciens, conducteurs et aiguilleurs, s'est abstenu presque complètement et la marche des trains n'a subi aucune perturbation.
En somme, toute cette agitation, qui aurait pu si vite tourner au tragique, n'a donné lieu qu'à des incidents sans gravité, dont nous n'avons plus qu'à enregistrer les aspects pittoresques.
Continuons donc la série des types d'employés. Après le mécanicien et l'aiguilleur, voici la garde-barrière, cette physionomie si connue qu'on voit apparaître aux passages à niveau, coiffée d'un invraisemblable chapeau de toile cirée, qu'elle n'arbore, du reste, qu'au passage du train, et armée de la trompe d'avertissement et du drapeau rouge, enroulé sur sa hampe lorsque la voie est libre.
La garde-barrière. |
Tout cet équipement paraît quelque peu suranné depuis l'adoption du block-système et des freins continus.
Aux environs de Paris et des grandes villes, on tend à supprimer le plus possible les croisements des routes à niveau, et les gardes-barrières disparaissent avec eux. En attendant l'extinction de la race, complétons notre dessin par quelques renseignements. La garde-barrière est presque toujours la femme d'un employé ou d'un ouvrier des chemins de fer. Suivant l'ancienneté, elle gagne de 50 à 300 francs par an, qui, joints au 900 à 1.600 francs de son mari, constituent un petit budget fort enviable, si l'on y joint le logement, fourni par la Compagnie, et composé d'une maisonnette entourée d'un jardinet.
Aussi, le ménage est-il généralement satisfait de son sort, et ne devait-on pas compter beaucoup de grévistes parmi les garde-barrières.
Les mécontents, nous l'avons dit, faisaient surtout partie du personnel des ateliers de construction et de réparation et de celui de la manutention; c'étaient des menuisiers, tapissiers, hommes d'équipe, puis quelques préposés aux signaux et à la voie. Des premiers il était aisé de s'en passer; pour suppléer les autres, les compagnies avaient fait appel à l'administration de la guerre, qui avait fourni des troupes du génie et des hommes des bataillons des chemins de fer.
Ceux-ci n'eurent pas de peine à remplacer les employés absents aux quelques postes d'aiguillage et de signaux désertés par les grévistes. en un tour de main, ils se trouvèrent comme chez eux en présence d'appareils dont le fonctionnement leur était familier.
Le plus souvent, la présence de la troupe n'a eu pour but que de prévenir toute tentative de désordre et de produire un effet moral.
Des détachements de quelques hommes, échelonnés le long des voies, escortant les camions de marchandises, ou postés dans les gares, ont suffit pour intimider les perturbateurs et pour rassurer le public.
Leur rôle a été purement démonstratif et leur besogne peu belliqueuse. On en jugera par le groupe que reproduit notre gravure.
Chargés d'occuper la gare Saint-Lazare, les soldats, pour s'occuper eux-mêmes, s'étaient plongés dans la lecture des innombrables journaux que les voyageurs laissent dans les trains de banlieue et qu'un avis les invite à déposer dans la boîte pour les malades des hôpitaux.
L'Illustration, samedi 25 juillet 1891.
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