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jeudi 10 septembre 2015

Le cordon de soie de la Rochelle.

Le cordon de soie de la Rochelle.

Après avoir été longtemps au pouvoir du roi d'Angleterre, la Rochelle venait de recouvrer sa liberté, par un coup d'audace.
Jean Chandrier, le maire, ayant invité Mancel, qui commandait la garnison anglaise par interim, à venir prendre connaissance chez lui, le verre à la main, de dépêches qu'il prétendait avoir reçues de son maître, Mancel qui, selon Froissard, était peu malicieux, se rendit à l'invitation; on lui montra de vieilles lettres sur lesquelles il reconnut le sceau du roi d'Angleterre, et, comme ni lui, ni ses officiers ne savaient lire, il fut obligé de s'en remettre à Chandrier, qui déclara que c'était un ordre de faire le dénombrement des habitants et de passer en revue la garnison du château.
Mancel descendit en conséquence, le lendemain, de la citadelle, qui fut aussitôt reprise et occupée par douze cents citoyens armés; lui même se vit forcé de se rendre avec sa garnison.
La ville ainsi délivrée, envoya des députés à l'armée française, commandée par Duguesclin. Ceux-ci firent leurs conditions pour rentrer sous le pouvoir du roi de France. Il fut convenu:
- Que le château de Vauclerc serait démoli, et ses débris employés à achever le nouveau pont.
- Que le roi ne pourrait bâtir à la Rochelle, de palais fortifié.
- Que l'hôtel de la monnaie serait rétabli et mis sur le pied de celui de Paris.
- Que les Rochellois seraient exempts de toute garnison et de toute taxe de guerre.
- Que les impôts seraient réduits à ce qu'ils étaient sous Louis IX.
- Que la commune exercerait sa juridiction sur la banlieue.
- Que la prévôté et le sceau ne serraient plus donné à ferme.
- Que les droits des francs fiefs seraient remis aux habitants roturiers.
Le traité conclu, les ducs de Berry, de Bourgogne et de Bourbon voulurent faire leur entrée dans la ville; mais quand ils se présentèrent à la porte, ils furent surpris de voir celle-ci barrée par un cordon de soie. Le duc de Bourgogne demanda ce que cela signifiait.
- Ce cordon est notre seule défense contre vos seigneuries, répliqua le maire; il vous avertit de ne point entrer avant d'avoir juré de conserver nos privilèges et les franchises de la cité.
Les princes prêtèrent le serment qu'on leur demandait et le cordon fut aussitôt coupé. "Les bourgeois, dit M. Dupont, se livrèrent alors à tout leur plaisir. Ils poussaient mille cris joyeux, versaient des larmes d'attendrissement, et, saluant les bannières royales qu'on portait par les rues, il disaient: Bien venue soit la fleur de lis, bénis soient le jour et l'heure où elle vient nous visiter." Paroles bien dignes de ceux qui, en se voyant livrés à l'Angleterre par le roi Jean, avaient demandé à redevenir Français, dût-on les tailler chaque année de la moitié de leurs chevances.

L'Illustré pour Tous, choix de bonnes lectures, 14 juin 1885.

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