Pouvoir absolu.
L'empereur Paul 1er, ce fou couronné, rencontra un jour sur son chemin un soldat qui lui plut par sa bonne mine.
- Montez dans ma voiture, lieutenant.
- Je suis soldat, sire.
- L'empereur ne se trompe jamais, capitaine.
- J'obéis, sire.
- Très-bien, commandant. Mettez-vous près de moi. Il fait un temps superbe aujourd'hui.
- Sire, je n'ose...
- Qu'est-ce à dire, colonel?
Malheureusement, ce jour-là, l'empereur devait rentrer de bonne heure au palais. Si sa promenade eût duré seulement quelques minutes de plus, son compagnon de route improvisé était fait feld- maréchal; faute de temps, ce favori d'un quart d'heure fut bien forcé de se contenter du grade de général-major.
Il est vrai que quelque temps après, le pauvre diable, rencontré dans les mêmes circonstances et invité à la même promenade, se vit condamné à subir en sens inverse la même série de caprices et à redescendre de grade en grade, en une demi-heure, de son titre de général-major au rang de simple soldat.
Paul 1er renouvela souvent ces folies, plus dignes d'une duchesse de Gérolstein que d'un empereur de toutes les Russies. Un matin, en passant en revue le régiment de chevaliers gardes dont il était mécontent:
- Un par un! s'écria-t-il du même accent qu'il eût commandé une simple manœuvre. Tourne. Par le flanc droit, en Sibérie! marche!
Et le régiment tout entier, officiers en tête, dut se rendre immédiatement et à marches forcées en Sibérie. Le comte Rostopchine obtint de l'en faire revenir à mi-route.
(Correspondant. - Souvenirs d'un page de l'empereur Nicolas.)
Dictionnaire Encyclopédique d'Anecdotes modernes, anciennes, Françaises et étrangères, Edmond Guérard, Firmin-Didot, 1876.
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