Ancienne maison arabe
au Caire.
au Caire.
Nous arrivons à un carrefour: trois ou quatre ruelles se présentent, toutes aussi tortueuses, mystérieuses, engageantes que possible. Laquelle suivre? Cela importe peu, nous sommes déjà égarés.
Celle que nous choisissons est déserte, silencieuse, et si étroite à certains passages que l'on peut toucher en même temps ses deux parois. On y marche sans bruit dans une ombre douce qui remonte le long des murs et va se perdre en vives et capricieuses déchirures dans les nappes de lumière que le ciel, d'un azur éblouissant, verse à flots sur le faîte des maisons.
Suspendus entre ciel et terre, les moucharabi, ou balcons hermétiquement clos par des treillis de bois ouvragé, s'avancent au hasard, portés par leurs opulentes consoles de pierres festonnées comme des mâchicoulis; souvent ils se font vis à vis ou s'entrecroisent même de si près que l'on peut y converser à l'aise d'un bord à l'autre de la rue, en parlant tout bas. Est-ce par ces voies mystérieuses que se transmettent instantanément les nouvelles d'un bout à l'autre de la ville? est-ce par là que se trahissent les secrets d'Etat, que se font les élévations subites et se défont les existences? Parfois, dans le silence, le frémissement furtif de quelque tambourin de harem vient s'échapper de l'une ou de l'autre de ces cages aériennes, qui toujours semblent chuchoter entre elles et vous épier de leurs cent yeux d'Argus; et toujours on croit saisir au passage quelque bruit étouffé, rire moqueur, bâillement ou soupir de la femme musulmane qui végète oisive et curieuse derrière ces masques de prison.
Bientôt, nous arrivons sur une petite place montueuse et solitaire, où se dresse une charmante maison arabe du quinzième siècle, qui semble près de tomber en ruine et fut probablement jadis le repaire de quelques-uns de ces brillants mamelouks que Bonaparte et Méhémet-Ali ont tant massacrés dans leur jeunesse!...
La porte surtout couronnée d'une archivolte ciselée, pourvue d'un montoir de pierre pour les cavaliers, est une petite merveille bien complète du genre. Derrière cette issue oubliée, nous trouverions encore quelque cour pavée de marbre, avec ses arbustes et ses bassins, avec ses hautes salles lambrissées de stalactites d'or et leurs estrades entourées de larges divans où, dans le charme du silence, la rêverie peut suivre indéfiniment les nuages bleus du chibouk et le frais murmure des fontaines jaillissantes. (1)
Mais cette habitation est fermée, déserte, condamnée peut-être pour faire place à quelque boulevard construit à l'européenne, tiré au cordeau, et où l'on ne trouvera ni ombre, ni fraîcheur! La porte jadis peinte en vert, montre encore, à demi effacée, sa pieuse inscription qui devait protéger les habitants contre les maléfices des mauvais génies: "Il est grand le Créateur, l'Eternel!" Les murs du rez-de-chaussée, construits de pierre calcaire, portent encore leur badigeon zébré de rose et de blanc jaunis par l'action du soleil et du temps. Au dessus de l'encorbellement qui surplombe la rue s'étagent les plus gracieux moucharabi, les uns spacieux et destinés aux habitants altérés de fraîcheur; les autres forts petits, cylindriques et ressemblant à des lanternes. C'est dans ces niches ajourées, exposées aux courants d'air de la ruelle, que l'on plaçait les alcarazas destinés à rafraîchir l'eau apportée du Nil à dos de chameau.
(1) L'Egypte à petites journées, par Arthur Rhoné. 1877.
Le Magasin pittoresque, août 1877.
Suspendus entre ciel et terre, les moucharabi, ou balcons hermétiquement clos par des treillis de bois ouvragé, s'avancent au hasard, portés par leurs opulentes consoles de pierres festonnées comme des mâchicoulis; souvent ils se font vis à vis ou s'entrecroisent même de si près que l'on peut y converser à l'aise d'un bord à l'autre de la rue, en parlant tout bas. Est-ce par ces voies mystérieuses que se transmettent instantanément les nouvelles d'un bout à l'autre de la ville? est-ce par là que se trahissent les secrets d'Etat, que se font les élévations subites et se défont les existences? Parfois, dans le silence, le frémissement furtif de quelque tambourin de harem vient s'échapper de l'une ou de l'autre de ces cages aériennes, qui toujours semblent chuchoter entre elles et vous épier de leurs cent yeux d'Argus; et toujours on croit saisir au passage quelque bruit étouffé, rire moqueur, bâillement ou soupir de la femme musulmane qui végète oisive et curieuse derrière ces masques de prison.
Bientôt, nous arrivons sur une petite place montueuse et solitaire, où se dresse une charmante maison arabe du quinzième siècle, qui semble près de tomber en ruine et fut probablement jadis le repaire de quelques-uns de ces brillants mamelouks que Bonaparte et Méhémet-Ali ont tant massacrés dans leur jeunesse!...
La porte surtout couronnée d'une archivolte ciselée, pourvue d'un montoir de pierre pour les cavaliers, est une petite merveille bien complète du genre. Derrière cette issue oubliée, nous trouverions encore quelque cour pavée de marbre, avec ses arbustes et ses bassins, avec ses hautes salles lambrissées de stalactites d'or et leurs estrades entourées de larges divans où, dans le charme du silence, la rêverie peut suivre indéfiniment les nuages bleus du chibouk et le frais murmure des fontaines jaillissantes. (1)
Mais cette habitation est fermée, déserte, condamnée peut-être pour faire place à quelque boulevard construit à l'européenne, tiré au cordeau, et où l'on ne trouvera ni ombre, ni fraîcheur! La porte jadis peinte en vert, montre encore, à demi effacée, sa pieuse inscription qui devait protéger les habitants contre les maléfices des mauvais génies: "Il est grand le Créateur, l'Eternel!" Les murs du rez-de-chaussée, construits de pierre calcaire, portent encore leur badigeon zébré de rose et de blanc jaunis par l'action du soleil et du temps. Au dessus de l'encorbellement qui surplombe la rue s'étagent les plus gracieux moucharabi, les uns spacieux et destinés aux habitants altérés de fraîcheur; les autres forts petits, cylindriques et ressemblant à des lanternes. C'est dans ces niches ajourées, exposées aux courants d'air de la ruelle, que l'on plaçait les alcarazas destinés à rafraîchir l'eau apportée du Nil à dos de chameau.
(1) L'Egypte à petites journées, par Arthur Rhoné. 1877.
Le Magasin pittoresque, août 1877.
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