L'aiguilleur.
L'agitation ouvrière qui se produit depuis quelque temps a failli s'étendre jusqu'aux employés du chemin de fer qui, eux aussi, se plaignent du surmenage. Parmi ces derniers l'aiguilleur surtout mérite notre attention.
Celui-là est parmi les humbles et journellement il tient notre existence entre ses mains: un moment d'oubli, une minute d'inattention, et il est la cause de catastrophes épouvantables.
Pour un modeste salaire (3 fr. à 3, 75 fr. par jour) il passe des heures dans sa petite baraque, les yeux fixés sur ses tableaux de la marche des trains, sur ses cadrans indicateurs; puis la main aux leviers de signaux, d'aiguilles... Il s'agit de ne pas se tromper, de ne pas confondre, de ne pas perdre la tête, car le train est là qui arrive avec une confiance absolue et lui obéit aveuglément. Son métier n'a rien de fatigant, dira-t-on. Non, matériellement, il n'y a pas grande force à déployer; mais l'attention continuellement soutenue, la lourde responsabilité, ne sont-elles pas une cause de fatigue? Combien d'heures doivent-ils rester là? Ils font leur service par quinzaine: est-il vrai qu'au changement de tour ils restent vingt-quatre heures à leur poste? Et le mécanicien, et le chef de train, est-il vrai qu'ils font quatorze et même dix-neuf heures de service de suite?
L'attention a été attirée sur cette grave question, espérons que cela suffira pour qu'elle soit résolue au plus vite de manière à donner satisfaction à tous.
L'Illustration, samedi 4 juillet 1891.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire