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vendredi 11 septembre 2015

Le château de Plessis-les-Tours.

Le château de Plessis-les-Tours.


Louis XI, après s'être fait sacrer à Reims, le 15 août 1461, ne séjourna que fort peu de temps à Paris, d'où il se dirigea vers la Touraine, où il avait résolu d'établir sa cour. La trop grande population de la capitale lui portait ombrage; il ne s'y croyait pas en sûreté. Il aurait pu fixer sa résidence dans les châteaux de Tours, d'Amboise, de Loches ou de Chinon; mais il aima se créer une demeure toute nouvelle. En conséquence, il acheta de Hardouin de Maillé, son chambellan, par contrat du 15 février 1463, la terre des Montils-les-Tours, moyennant la somme de 5.500 écus d'or (environ 50.000 francs). Il changea le nom des Montils en celui du Plessis, et y fit bâtir le château connu dans l'histoire sous cette dénomination. Ce palais n'avait rien de remarquable, ni dans ses distributions, ni dans son architecture, et ne doit sa célébrité qu'au séjour de Louis XI, dont il retraçait du reste assez bien par sa structure les goûts simples et le caractère ombrageux.
Converti en 1778, en un dépôt de mendicité, ce château fut aliéné à l'époque de la révolution, et il n'en reste aujourd'hui  qu'une très faible portion, qui ne peut plus offrir aucune idée de ce qu'il était dans l'origine. 



Ces débris du palais d'un despote farouche, étaient devenus, il y a peu d'années, et sont peut être encore maintenant la propriété d'un citoyen, qui, pendant vingt ans, a combattu pour la liberté de son pays, et qui s'est rendu aussi cher à ses amis par l'aménité de ses mœurs, que le monarque s'était rendu odieux à ses sujets par ses vengeances et ses proscriptions.
Au commencement de son règne, Louis XI tint au château du Plessis une assemblée de prélats et principaux seigneurs du royaume, sous prétexte de prendre leur avis sur les moyens de remédier au mécontentement qui se manifestait de toutes parts contre l'administration de l'Etat; en réalité, son but était de sonder ses intentions et de voir face à face ses amis et ses ennemis. Dans cette assemblée, Charles, duc d'Orléans, portant la parole au nom des princes, crut devoir faire au roi des observations sur les impôts dont il avait chargé le peuple, et sur sa tendance au despotisme. Le roi fut d'autant plus irrité de ces remontrances, qu'il ne pouvait s'en dissimuler la justesse. Il en fit au duc des reproches si durs et si offensants, en présence de toute l'assemblée, et Charles en conçut tant d'épouvante et de chagrin, qu'il en mourut à Amboise quelques jours après.
Le château du Plessis fut le théâtre d'une des vengeances les plus cruelles qu'ait exercées Louis XI. On sait que Jean Balue, qui de simple clerc était devenu successivement évêque d'Angers, d'Evreux, d'Arras, cardinal de Sainte-Suzanne, et dépositaire des secrets du roi, en qualité de ministre d'état, poussa l'oubli de tous ses devoirs jusqu'à le trahir en révélant au duc de Bourgogne tout ce qui s'agitait dans le conseil. Sa correspondance ayant été interceptée, le roi le fit mettre dans un des cachots du Plessis, renfermé dans une cage de fer, où l'on ne pouvait se tenir ni couché, ni debout. On assure que cette terrible invention était due à Balue lui-même, qui fut le premier aussi à en éprouver le supplice. Au bout de quelque temps, le cardinal fut transféré du Plessis au château de Loches. 
Quelques années avant sa mort, Louis XI, devenu presque infirme à la suite d'une attaque d'apoplexie, ne quittait que très rarement le séjour du Plessis. Tout lui faisait peur; tout lui inspirait de la défiance; tout lui faisait craindre que l'on n'attentât à ses jours. Son château devint une forteresse inaccessible, ou plutôt une prison hérissée de piques, de grilles et de verrous. N'osant plus confier la garde de sa personne à ses propres sujets, il la remit à des troupes étrangères, et licencia deux compagnies de cent lances, qui jusque là avaient fait le service auprès de lui. Le capitaine de l'une d'elles, ayant, ainsi que son lieutenant, annoncé assez hautement qu'ils iraient chercher de l'emploi auprès du duc de Bourgogne, Louis les fit arrêter, condamner sur le champ et décapiter sur la place de Tours.
C'est par des actes de sévérité, par des exécutions sanglantes, et surtout par des pratiques d'une dévotion aveugle et d'une superstition puérile, que ce monarque cherchait à de distraire de l'idée de la mort qu'il voyait s'approcher lentement. A chaque instant il faisait des vœux et des pèlerinages; mais ni les prières, ni les reliques, ne pouvaient apporter un soulagement au mal qui le minait. Enfin, ayant entendu parler de la sainteté d'un ermite de la Calabre et des miracles qu'on lui attribuait, il le fit mander: c'était François de Paule. Le saint homme arriva au Plessis le 24 avril 1482. Louis XI ne pouvait lui rendre trop d'honneurs; il voulut qu'il logeât dans le château même, ainsi que les religieux qui l'avaient accompagné dans son voyage; il le consultait tous les jours et le conjurait surtout d'adresser ses prières à Dieu pour qu'il prolongeât sa vie; quoique le bon ermite ne cessât de l'assurer que ses prières ne pouvaient faire changer les décrets de la Providence et qu'il fallait se soumettre à la volonté du ciel.
Enfin, le samedi 30 août 1483, vers les huit heures du soir, Louis expira au château du Plessis, âgé de soixante ans et deux mois, après vingt-deux ans et un mois de règne. Son corps fut d'abord transféré dans l'église Saint-Martin de Tours, où il resta exposé pendant huit jours: enfin on le transporta à Notre-Dame de Cléry, lieu qu'il avait lui-même choisi pour sa sépulture.
Nous n'ajouterons rien de plus sur le château du Plessis: ce sont là à peu près les seuls événements remarquables qui s'y rattachent. Nous rappellerons simplement que le célèbre romancier anglais, Walter Scott, a, dans Quentin- Durward, fait une description pittoresque de ce château, où se passent plusieurs scènes de son roman. Louis XI à Plessis-les-Tours a aussi inspiré à notre immortel Béranger une de ses plus délicieuses chansons.

Le Magasin universel, mars 1835.

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