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mercredi 9 septembre 2015

Correspondance de Cochinchine.

Correspondance de Cochinchine.


     Monsieur le directeur,

Au mois d'août dernier, les populations de Cochinchine étaient dans des transes mortelles en voyant la sécheresse persistante menacer toutes leurs plantations de riz. La saison des pluies, qui ordinairement commence au mois d'avril, n'avait encore donné que de rares averses insuffisantes pour faire même sortir le riz de terre; dans quelques endroits, cependant, plus favorisés, comme position riveraine des arroyos, on avait pu faire pousser le riz assez pour être transplanté, (repiqué), mais la sécheresse constante brûlait tout et faisait présager une disette effrayante.
C'est alors que les Annamites se lancèrent dans les invocations au ciel, pour obtenir de la pluie...
Aujourd'hui la récolte dépasse toutes les espérances; les coupes sont commencées et le prix du riz baisse tous les jours de plus en plus; les habitations sont encombrées et il est curieux de voir les nombreuses jonques chargées sillonner les arroyos.
La piraterie est presque complètement anéantie et, grâce aux précautions prises par le contre-amiral La Grandière, notre gouverneur et commandant en chef, nous n'avons plus à craindre d'insurrection comme celle des années précédentes. Partout des forts et des postes ont été établis; des citadelles ont été construites à l'emplacement des foyers de l'insurrection dernière; à Go-Cong, à Go-Den, à Vinh-Loy, etc., etc., nos troupes occupent les positions et ne laissent aux mandarins qui voudraient soulever les populations aucun endroit pour se retrancher et former une armée.
Le pays est donc tranquille, la navigation des arroyos sûre, et par conséquent le commerce reprend son activité et promet pour l'avenir de magnifiques résultats.
Je vous envoie ci-joint, monsieur le directeur, des dessins d'une des nouvelles citadelles, celle de Go-Den, construite par le capitaine Bouyer de la 45ème compagnie du 3ème régiment, d'après les ordres du gouverneur, à côté des anciennes lignes annamites prises le 14 février 1863. 



Les travaux ont été commencés le 1er juillet, le bureau du télégraphe électrique fonctionnait depuis le 2 mars. Les troupes ont pu prendre possession de leurs logements le 4 novembre. 




Toutes les constructions sont parfaitement entendues au point de vue hygiénique; l'ambulance où il y a assez peu de malades, du reste, est parfaitement aérée; en somme le capitaine Bouyer, en construisant cette citadelle, a tenu compte et du climat et des privations que pourraient endurer les hommes de la garnison et autant qu'il a été en son pouvoir, a chercher à créer à ses hommes des distractions quelconques. Les habitants des environs sont heureux de voir auprès d'eux un fort qui les protège contre les exactions des mandarins, et maintenant, certains d'écouler leurs produits.



Ils sont pressés d'ensemencer toutes leurs terres. Dès que la récolte du riz sera terminée, on commencera la plantation de tabac, l'une des plus grandes sources de richesse du pays.
La confiance des populations nous est acquise aujourd'hui, et les habitants disent eux-mêmes qu'ils préfèrent les Français aux mandarins annamites qui commettaient à leur égard un grand nombre d'exactions.

                                                                                                                Ch. Crépez.

PS: La ville de Saïgon change d'aspect tous les jours; le vieux Saïgon tombe et de nouvelles maisons, larges, aérées et confortables s'élèvent à la place des vieilles masures annamites qui n'étaient que des nids à reptiles et autre vilaines bêtes.

Le Monde illustré, 14 février 1864.

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