Les débuts d'auteurs célèbres.

Les débuts d'auteurs célèbres.

On avait demandé à Alexandre Dumas fils, à Eugène Labiche et à Octave Feuillet, comment ils étaient parvenus à faire représenter leur première pièce.

M. Alexandre Dumas répond que quand il eut écrit pour lui seul la Dame aux Camélias, convaincu que la censure ne la laisserait jamais jouer, il la communiqua au Théâtre-Historique, où son père était tout puissant. Le théâtre aima mieux fermer que de la jouer. Il la présenta à Hostein, qui la lui rendit sans réflexion; au Gymnase, au Vaudeville, un peu partout, et toujours en vain:

"J'étais résolu, ajoute M. Dumas, à ne plus m'en occuper, quand un jour, je rencontrai Bouffé, qui me dit:

"Hippolyte prétend que vous avez fait une très jolie pièce et que vous ne pouvez la placer nulle part. Je serai un jour directeur du Vaudeville. Voulez-vous me promettre de la garder jusque-là, et moi, je vous la jouerai."

Je promis, et elle fut jouée, mais après avoir été plus d'un an arrêtée par la censure.

M. de Beaufort, qui fut depuis directeur du Vaudeville, et qui la joua souvent, me répondit à moi-même, quand je lui demandai la cause de cette défense: C'est un service que nous vous rendons: la pièce n'irait pas jusqu'au deuxième acte."

Telle fut l'histoire de la Dame aux Camélias.

Voici maintenant ce que dit Eugène Labiche au sujet de la première pièce auquel il collabora, et qui s'appelle Monsieur de Coyllin. L'histoire est beaucoup plus unie:
"Nous étions trois auteurs parfaitement inconnus: Lefranc, Marc Michel et moi. Nous déposâmes (en palpitant) notre manuscrit chez le concierge du Théâtre du Palais-Royal. M. Coupart la lut, la remit à M. Dormeuil avec un rapport favorable, et nous fûmes joués au mois de juillet suivant. Je suis vraiment honteux de la simplicité de mon début. J'aurais voulu pouvoir vous faire assister à une lutte pleine d'angoisses et de péripéties; mais je n'ai eu qu'à tirer le cordon pour entrer. Ce n'est pas ma faute, pardonnez-moi! Ou plutôt prenez-vous en à M. Dormeuil père, qui aimait à accueillir les passants.
"Au reste, j'ai toujours pensé qu'il y avait quelque chose de plus difficile à faire jouer que la première pièce... c'est la dernière. Songez au vieil auteur démonétisé, et vous trouverez peut-être le sujet d'une seconde étude plus poignante que celle dont vous vous occupez."

Le petit Moniteur illustré, 21 octobre 1888.