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dimanche 22 janvier 2017

Le paon rôti.

Le paon rôti.

Quel est l'espèce de paon qu'on a mangé au dernier banquet officiel?
Le paon royal vraisemblablement, c'est à dire celui des Indes. Le paon royal, tel est le nom que lui ont donné les naturalistes pour sa beauté. Chez les Romains, avant d'être royal, il fit le luxe des tables princières, mais pas tant pour ce que sa chair a d'agréable qu'à cause de sa rareté. La vogue s'attacha alors aux œufs de cet oiseau.
A la vogue des œufs succéda celle de l'oiseau lui-même. C'est Hortensius qui inaugura cette mode, et, dès lors, on ne donna plus à manger sans servir du paon. Cicéron seul protesta contre cette faveur exagérée. Dans une de ses lettres, il raconte qu'il a osé inviter Hirtius sans lui servir du paon. 
- "Admirez mon audace!" s'écrie-t-il, comme s'il avait fait une chose énorme.
S'inspirant des Latins, un moraliste moderne a fait à ce sujet les réflexions suivantes:
"Tels sont les effets naturels des raffinements du luxe et de l'excès des richesses. On abandonne une nourriture solide et simple parce qu'elle est à la portée du plus grand nombre. On mange des paons et des cigognes et on trouve bon de manger jusqu'à la chair des ours."
Dans les siècles de chevalerie, le paon était appelé le noble oiseau, et sa chair était regardée comme la viande des preux. Sa cuisson était l'objet de soins particuliers et passablement ridicule. Pour le servir, on recourait à un véritable cérémonial. Comme il avait été écorché, on le rhabillait de sa peau et de son plumage; on lui rendait ses ailes et son aigrette. Les dames suppléaient les écuyers servants pour le porter à table. C'était à la plus belle, à la reine de la fête, accompagnée de toutes les autres dames, à qui incombait cet honneur. Le cortège faisait son entrée, au bruit des fanfares, dans la salle du festin. Si un roi se trouvait à table, c'était de sa propre main que le noble oiseau était découpé. A défaut d'un roi, c'était de la main du plus haut personnage. Le roi Arthur, assurent les chroniqueurs, avait une dextérité toute particulière pour faire les honneurs du paon à ses chevaliers de la Table-Ronde.

Le petit Moniteur illustré, 18 août 1889.

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