Ancienne distribution de comestibles
aux Champs- Elysées.
aux Champs- Elysées.
Au moyen âge, les souverains, grands ou petits, faisaient, à certains jours, des distributions qu'on appelait des largesses. C'était le plus souvent, des pièces de monnaie que le roi ou le seigneur jetait ou faisait jeter par des hérauts. Aux entrées des rois et des reines, des fontaines versaient du vin, de hypocras ou du lait.
Cet usage, qui avait disparu vers la fin de l'ancienne monarchie française, fut repris après l'établissement de l'empire. On fit des distributions de vin et de comestibles à l'occasion de quelques solennités importantes, et surtout, chaque année, au 15 août, jour de la fête de Saint-Napoléon. Sous la restauration, on continua ces singulières générosités: "Il faut bien, disait-on, divertir la populace!"
Des tribunes carrées, semblables à des petites forteresses, étaient élevées sur les Champs-Elysées et gardés par plusieurs agents subalternes assistés d'un gendarme. Un énorme tonneau, défendu par des murailles de bois, communiquait à l'extérieur au moyen d'un robinet placé un peu plus haut que la taille d'un homme. A l'heure annoncée par le programme officiel, on ouvrait de l'intérieur le robinet et le vin coulait. Une multitude de pauvres diables se ruaient alors vers le flot rouge avec des brocs, des pots, des bouteilles; les plus hardis montaient sur les épaules des autres et cherchaient à boire à la source même; on se poussait, on s'injuriait; souvent les rixes devenaient sanglantes.
Bientôt après, du haut des mêmes tribunes, on jetait des cervelas, des saucissons, des jambonneaux, qui provoquaient les mêmes scènes brutales: plus d'un promeneur inoffensif était renversé et frappé. Longtemps, on demanda en vain l'abolition de ces dégradants spectacles; mais la force de l'opinion publique a fini, comme toujours, par prévaloir, et maintenant, au lieu de jeter aussi du vin et de la nourriture à des hommes comme à des animaux sous le prétexte de les amuser, on trouve plus décent et plus humain de faire participer les familles indigentes aux réjouissances nationales en portant à leurs demeures quelques secours de plus qu'aux jours ordinaires.
Le Magasin pittoresque, décembre 1866.
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