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lundi 15 août 2016

Insurrections dans le sud de l'Algérie.

Insurrections dans le sud de l'Algérie.


A la première nouvelle de l'insurrection des tribus limitrophes du sud de la province d'Oran et du Sahara algérien, le colonel Beauprêtre, commandant militaire de Tiaret, se mit en marche, en vertu d'ordres supérieurs, à la tête d'une colonne composée de cent hommes d'infanterie, d'un détachement de spahis, et des goums des tribus avoisinantes.




Selon toutes les prévisions et d'après les nouvelles reçues, ces forces devaient être suffisantes pour tenir en respect l'insurrection jusqu'à l'arrivée de renforts, et l'horrible catastrophe dont nous reproduisons l'épisode principal ne fût pas arrivée sans la trahison de la cavalerie indigène.





En quittant Thiaret, le colonel Beauprêtre était venu établir son camp en avant de Geryville afin de couper la route à la tribu des Ouled-Sidi-Sirck qui tentaient d'émigrer vers le Touat.





Arrivés au bivouac, les cavaliers des goums demandèrent l'autorisation de conduire leurs chevaux au pâturage et de rejoindre le lendemain à l'étape. Le colonel Beauprêtre ne soupçonnant pas la fidélité de ses goums accéda à leurs désirs sans difficulté.




Si-Sliman, le chef de la révolte et frère de Si-Bou-Becker mort il y a deux ans par suite de blessures reçues dans une expédition qu'il avait entreprise pour nous contre les tribus insoumises, avait son camp au marabout de Sidi-Tifour. C'est là qu'il attendait les goums de Tiaret parmi lesquels il comptait beaucoup d'hommes dévoués.




Ces goums, abusant de la confiance du colonel, se rendirent vers Si-Sliman, lui disant de monter à cheval et de venir attaquer sans retard le détachement français.
A cinq heures du matin, les sentinelles du camp français voyant rentrer les goums n'eurent aucune défiance et les cent malheureux fantassins furent massacrés après une héroïque défense. 




Si-Sliman tua le colonel Beauprêtre à la porte de sa tente, et le capitaine Isnard, des bureaux arabes, eut le même sort dans les mêmes conditions.
Si-Sliman et beaucoup des cavaliers des goums payèrent de leur vie leur lâche trahison; un vétérinaire de spahis, échappé au massacre, grâce à la vitesse de son cheval, apporta la lugubre nouvelle à Tiaret.
Aujourd'hui toutes les mesures sont prises, pour punir comme ils le méritent, les auteurs de cet odieux guet-à-pens.

                                                                                                                        M. V.

L'infortuné colonel Beauprêtre qui a succombé d'une façon si malheureuse, avait passé son enfance à Salins (Jura). Son père, tailleur de pierres et entrepreneur de bâtiments, était des environs de Lure (Haute-Saône). Après l'incendie de Salins, en 1825, il fut exercer sa profession à Salins, et amena avec lui son fils Alexandre, alors âgé seulement de trois ou quatre ans. L'entrepreneur Beauprêtre fit plusieurs constructions. Mais, ces entreprises n'ayant pas tourné à son avantage, il quitta cette ville et partit pour l'Algérie.
La Salinois, à qui nous empruntons ces détails, ajoute:
En 1839, Alexandre Beauprêtre venait d'avoir dix-huit ans; il s'engagea dans les zouaves. Son instruction n'était alors que celle d'un simple ouvrier, et en effet, il avait travaillé à Salins comme tailleurs de pierres dans les ateliers de son père. Il apprit rapidement l'arabe et arriva à le parler avec une grande facilité; ce fut sa fortune.
L'espion français ayant péri dans une expédition, Beauprêtre, alors sergent-major, s'offrit pour le remplacer, se déguisa en indigène et pénétra à diverses reprises dans les campements arabes, d'où il rapporta de si utiles renseignements que la croix de la Légion d'honneur fut sa récompense immédiate.
Dès lors sa vie ne fut plus que hasards, aventures de toute sortes, périls bravés avec un incomparable sang froid. Déguisé tantôt en Arabe, tantôt en marchand colporteur, il s'insinuait dans les tribus pour étudier leurs dispositions, l'état de leurs forces et la nature du terrain. Il pénétra de la sorte en Kabylie, vendant des petits miroirs, des chapelets arabes et divers bibelots à l'usage des indigènes.
Trahi une fois par son domestique espagnol qui l'accompagnait, il n'échappa à la mort que miraculeusement, et ce fut le traître qui succomba à sa place.

Le Monde illustré, 7 mai 1864.

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