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samedi 20 août 2016

Hollande et Luxembourg.

Hollande et Luxembourg.


Un fait politique d'une grande importance, prévu depuis sept ans, et qui peut provoquer un remaniement à délai prochain de la carte européenne, vient de se produire ces jours derniers. Le vieux roi des Pays-Bas, Guillaume III, atteint d'une maladie incurable, n'est plus en mesure de remplir les devoirs de la royauté.
Étendu sur un lit de douleur dans son château de Loo non loin de la Haye, il agonise. 




Dans ces conditions, le ministère et le parlement néerlandais ont cru urgent de mettre en vigueur la loi de 1884 votée après la mort du "Kroonprins" Alexandre et conférant éventuellement la régence à la reine. 
En même temps s'ouvre une seconde régence: celle du Luxembourg, qui échoit au duc Adolphe de Nassau, héritier éventuel du grand duché, et reconnu comme tel par le gouvernement néerlandais en 1885.
La reine des Pays-Bas est une princesse de Waldeck-Pyrmont. Elle s'appelle Emma-Adélaïde-Wilhelmine-Thérèse, et est née le 2 avril 1858. 




Elle a épousé le 7 janvier 1879, le roi de Hollande qui avait alors soixante-deux ans. La princesse Wilhelmine, seule enfant issue de ce mariage, a aujourd'hui près de neuf ans; elle est née à la Haye, le 31 août 1880. Le duc Adolphe de Nassau, qui va devenir grand-duc du Luxembourg, a soixante-douze ans. Il a épousé en premières noces la fille du grand-duc Michel de Russie, morte en 1845 sans enfants, et en secondes noces la fille du prince d'Anhalt. De ce second lit est né le prince Guillaume-Alexandre, héritier présomptif des couronnes de Nassau et de Luxembourg, et aujourd'hui âgé de trente-sept ans.




Le Luxembourg fut d'abord un comté, il donna à l'Allemagne la dynastie impériale dont les représentants furent Henri VII, Charles IV, Venceslas et Sigismond. En 1354, Charles IV l'érigea en duché; en 1444, il échut à la Bourgogne; en 1477, aux Habsbourg; en 1555, à l'Espagne; en 1713, à l'Autriche; en 1795, à la France. En 1815, le Congrès de Vienne le céda au roi des Pays-Bas contre l'abandon des possessions allemandes de ce prince et notamment des quatre principautés de Dillenburg, de Dietz, de Siégen et de Hadamar.
Le Luxembourg devint à cette occasion grand-duché. L'article 71 de l'acte de session stipulait que les droits saliques de la maison d'Orange-Nassau, sur le grand duché de Luxembourg resterait en vigueur. Cette stipulation a été confirmée par la constitution luxembourgeoise révisée en novembre 1886.
La maison de Nassau comprend deux branches: la ligne cadette ou d'Othon, à présent royale, et dont le dernier descendant mâle est le roi actuel Guillaume III, qui n'a pas de fils; la ligne aînée ou de Walram, autrefois régnante et aujourd'hui ligne ducale de Nassau. La loi salique n'existe pas en Hollande; la fille de Guillaume III régnera par conséquent à la Haye. Après la mort de son père et en attendant qu'elle soit majeure, la régence sera exercée par la reine Emma avec le Conseil d'Etat. A Luxembourg, c'est l'héritier mâle qui va prendre les rênes du pouvoir, la branche de Walram venant légalement et constitutionnellement au lieu et place de la branche d'Othon qui s'éteint.
On se rappelle l'émotion causée sous le second empire français par la question du Luxembourg. Le roi de Hollande craignant qu'un coup de main de la Prusse sur la citadelle luxembourgeoise ne l'obligeât lui-même à entrer dans la confédération de l'Allemagne septentrionale, avait ouvert des négociations avec Napoléon III pour parer à cette difficulté. L'empereur lui proposa de céder le Luxembourg à la France moyennant une indemnité en argent. Mais ce pacte ne pouvait avoir lieu sans le consentement de la Prusse, signataire des actes du Congrès de Vienne. La Prusse refusa. Le traité de Londres du 11 mars 1867, trancha la question. Il fut convenu entre les parties intéressées que le Luxembourg serait à jamais un état neutre, et que sa neutralité serait garantie par les contractants. Les Prussiens évacuèrent la citadelle, qui fut rasée par le roi de Hollande et n'a jamais été rebâtie depuis.
Le duc Adolphe de Nassau est aujourd'hui sympathique à M. de Bismarck et à l'empereur d'Allemagne. Il ne l'a pas été toujours. En 1866, il avait fait cause commune avec l'Autriche, et avait été battu comme elle. Le Nassau avait été incorporé à la Prusse après la guerre. Le duc, qui avait autrefois une cour très fréquentée à Wiesbade, sa capitale, s'était retiré à Vienne, où il vivait sur un pied luxueux. Depuis qu'il est devenu l'héritier présomptif de la couronne grand-ducale de Luxembourg, il a su, oubliant ses rancunes, se ménager avec habileté les bonnes grâces du chancelier de fer, et l'année dernière, vers la fin de septembre, dans l'île de Mainau, son entrevue avec l'empereur Guillaume II a complètement aplani les dissentiments qui pouvaient encore exister entre eux. Son fils, qui l'accompagnait en cette circonstance est aussi bien vu à Berlin qu'à Vienne. Le duc Adolphe de Nassau n'est pas Prussien, mais il est Allemand, et M. de Bismarck le préfère à Guillaume III, qui a toujours résisté aux avances et aux empiétements de la Prusse. Le Luxembourg va donc rentrer dans une nouvelle phase politique et devenir, selon toute vraisemblance, plus allemand de Néerlandais qu'il avait été jusqu'ici.
La reine Emma de Hollande est très estimée du peuple hollandais. Sans lui prêter une intelligence remarquable, on lui reconnait beaucoup de bon sens et un grand dévouement aux intérêts du pays. Lorsqu'elle épousa, à vingt et un ans, ce vieux roi, elle n'était pas d'une beauté extraordinaire, mais avenante et aimable.
"Elle avait, dit un de ses biographes, la taille bien prise, les cheveux abondants et l’œil doux. En somme, une petite bourgeoise proprette et tirée à quatre épingles."
Son mariage n'a pas été heureux. Guillaume III était violent, hypocondriaque, ennemi de toute représentation. La jeune reine mena une vie retirée, et ne cessa point, sur le trône, d'être la petite bourgeoise d'Arolsen, capitale de Waldeck. La naissance de sa fille apporta une diversion à sa solitude. 



Elle s'occupa elle-même de son enfant. C'est sous sa direction personnelle que se fait l'éducation de la jeune princesse Wilhelmine qui est gentille, intelligente et très aimée de toute la population des Pays-Bas.

                                                                                                     Charles Simond.

La petite Revue, premier semestre 1889.


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