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vendredi 19 août 2016

L'église Notre-Dame de Lorette.

L'église Notre-Dame de Lorette.


Bien peu d'architectes ont vu terminer le monument qu'ils avaient commencé; plus heureux M. Lebas, après avoir donné le plan de Notre-Dame de Lorette, peut aujourd'hui jouir de son ouvrage.
Malheureusement son bonheur ne sera pas entièrement sans mélange; car, si on trouve beaucoup à louer dans le nouveaux monument, quelque fois la critique pourra l'attaquer avec justice, séparant toutefois les fautes dont l'architecte peut être responsable, de celles dont on ne doit accuser que l'esprit de parcimonie, qui dans notre siècle rapproche si souvent la misère et le luxe.





Les fondations de Notre-Dame de Lorette furent jetées, il y a environ quinze ans, sur un sol tellement humide, qu'une grande partie dut être posée sur des planchers portés par des pilotis.
La façade exhaussée sur plusieurs degrés est composée de quatre colonnes et de deux pilastres corinthiens, supportant un fronton et formant péristyle.
De chaque côtés sont des pavillons rentrants, percés chacun d'une porte. Un grand bas-relief de 30 pieds de base occupe tout le fronton. Il représente l'hommage à la Vierge, sculpté en ronde bosse, par M. Leboeuf-Nanteuil, de l'Institut. Le bas-relief ne manque pas de noblesse et de talent d'exécution, mais on peut lui reprocher un peu de symétrie.
Au dessous de la frise, on lit en lettres d'or, l'inscription suivante:


BEATÆ. MARLÆ. VIRGINI. LAVRETANÆ.


Le somment du fronton est orné d'un groupe représentant la Charité, par M. Laitié; à l'angle de gauche est la figure de l'Espérance, par M. Lemaire; à droite, la Foi, par M. Foyatier. Les trois groupes de pierre de Conflans, ont 8 pieds de proportion.
En entrant dans l'église, on se trouve sous l'orgue, qui est soutenu par deux colonnes ioniques de stuc imitant le jaune antique. L'orgue est dû à l'un des plus habiles facteurs de France, M. Cavalier, de Toulouse. On vante la qualité du son de cet instrument; mais combien les boiseries sont inférieures à celles qu'on admire dans la plupart des anciennes églises!
Notre-Dame de Lorette est, à l'imitation de Sainte-Marie-Majeure de Rome, divisée en cinq nefs, par quatre rangées, chacune de huit colonnes de stuc, semblables à celles qui supportent l'orgue.
La nef du milieu, beaucoup plus élevée que les autres, est décorée de huit tableaux, quatre grands et quatre plus petits, représentant des sujets tirés de l'histoire de la Vierge. Les quatre petits sont la Naissance de la Vierge, par M. Monvoisin; l'Annonciation, par M. Dubois; l'Assomption, par M. Dejuinne; la Visitation, par M. Coutan. Les quatre grands représentent le Mariage de la Vierge, par M. Langlois; la Purification, par M. Vinchon; l'Adoration des Mages, par M. Granger, et l'Adoration des Bergers, par M. Hesse.
Le plafond, en bois peint et doré, est d'une grande richesse; mais ces plafonds plats me paraissent n'avoir rien de monumental, et donner à l'édifice l'aspect d'une salle de bal, plutôt que celui d'un lieu consacré au culte de Dieu.
Les tympans des arcs de la grande nef sont décorés de quatre belles figures, par M. Schnetz: les prophètes Jérémie, Ezéchiel, Isaïe et Daniel.
Les plafonds des deux nefs latérales sont à compartiments de bois dorés. Le fond est bleu avec des rosaces blanches.
Enfin les deux dernières nefs, dont le plafond est bleu avec des étoiles d'or, sont occupées par les chapelles, au nombre de trois de chaque côté, communiquant ensemble, et séparées seulement par des confessionnaux.
Chacun de ces autels est surmonté du portrait d'un saint. Chaque bas-côté est en outre décorés de huit tableaux. Les meilleurs sont une Lapidation de saint Etienne, de M. Couder; le Rachat d'un captif, par M. Schnetz, et saint Hyacinthe, par M. Alfred Johannot.
La chaire, dont l'abat-voix est supporté par deux belles figures d'anges, sera cité avec raison comme un modèle d'élégante simplicité; mais en revanche, que dire de cet immense banc-d'oeuvre qui coupe et embarrasse la grande nef!
On avait eu la malheureuse idée de placer sur les colonnes de larges écussons peints en bleu, avec des croix renfermées dans un cercle d'or; l'art et le bon goût se trouvaient ici en opposition avec le désir du clergé. Nous savons mieux que personne tout ce qu'un pareil désir a de respectable dans les choses qui touchent au culte; nous savons fort bien aussi que de pareilles croix, dans une nouvelle église, sont nécessaires à la cérémonie de la consécration. Mais le Rituel dit que les croix seront posées parietibus, et les colonnes ne sont pas des murailles. Nous ne nous rappelons pas enfin qu'à Rome les belles colonnes de marbre, de jaspe ou de granit qui soutiennent toutes les églises soient défigurées par de semblables écussons. Quoi qu'il en soit, l'administration est intervenue avec une prudence qu'on ne peut trop louer, dans ce petit débat entre les arts et le clergé; on est tombé d'accord que huit croix seraient peintes en or sur les pilastres de l'enceinte intérieure, et quatre autres croix pareilles, et sans écussons, sur quatre colonne du milieu, aux deux côtés du banc d'oeuvre et de la chaire.
Le chœur est trop petit, et, par un singulier oubli, on a omis de ménager une place pour les musiciens, qu'on sera forcé de reléguer au-dessus de l'orgue.
Le côté droit du chœur est occupé par une grande fresque de M. Drolling, imitant la tapisserie, et représentant Jésus-Christ disputant avec les Docteurs. En face, une autre fresque de M. Heim, retrace la Présentation au temple. Au-dessus de ces peintures sont des cartels où sont inscrits les noms des douze apôtres.
La tribune est décorée d'un couronnement de la Vierge, de M. Picot, peinte sur fond d'or, dans le style des anciennes fresques. Le cul-de-four, badigeonné en granit, contraste tristement avec cette magnificence. Du reste, comme je l'ai déjà dit, ce bizarre assemblage ne se reproduit que trop souvent dans la nouvelle église; ainsi la maître-autel est surmonté d'un baldaquin de plâtre, soutenu par deux belles colonnes de granit, dont les chapiteaux sont de bronze doré.
Au côté du chœur sont deux chapelles, bien loin d'être terminées, et qui ne pourront pas être ouvertes avant deux années. Près de là sont deux sacristies, qui, par une de ces fautes de calcul dont il est difficile de se rendre compte, n'ont entre elles aucune communication.
Il ne me reste plus à parler que de la coupole, qui doit représenter l'Assomption, et qui est confiée au pinceau de M. Delorme, qui a déployé le plus grand talent dans les quatre figures d'évangélistes des pendentifs.
Je ne terminerai pas sans demander aux architectes raison de ce clocher, véritable cage à perroquet, qui déshonore l'intérieur du monument, et surmonte si pitoyablement la façade.
Au résumé, la nouvelle église est un joli édifice où tous les ornements ont été prodigués, mais auquel il manque une condition bien essentielle, celle de répondre à sa destination.

                                                                                                                Ernest Breton.

Magasin universel, décembre 1836.

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