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vendredi 14 mars 2014

Jules Ferry.

Jules Ferry.

Pour avoir suscité contre lui des haines aussi farouches, aussi obstinées, aussi aveugles, il faut que M. Jules Ferry soir évidemment "quelqu'un"; mais pour avoir résisté à ces haines déchaînées en tempête, et je parle ici, dans cette Revue, en simple spectateur très désintéressé de toute politique, il faut être un rude homme.
Si M. Ferry résiste, c'est grâce à l'étoffe spéciale dont il est fait, et sur laquelle probablement les ciseaux les plus aiguisés ne mordent pas.
Le diable seul peut savoir pourtant combien de coups de ciseaux on lui a donnés depuis son début quelque peu calembourique des Comptes fantastiques d'Haussman,  jusqu'à cette soi-disant chute de Saint-Dié, le 22 septembre dernier, chute qui pourrait bien être une occasion de rebondissement extraordinaire. 
Oubliant volontairement la Tunisie conquise et la liberté de l'enseignement lestement installée, a-t-on assez joué contre M. Ferry de l'affreux pain de siège; lui a-t-on assez jeté à la face le Tonkin, qu'il n'avait nullement inventé d'ailleurs? Que dis-je? il a résisté non seulement aux attaques passionnées, aux flèches empoisonnées de ses ennemis, mais encore il a pu survivre à ses propres fautes, telle que sa défaillance étonnante le jour de la dépêche de Lang-Son. L'a-t-on assez cru tué, enterré, mis en poussière impalpable à la suite de ce fameux plongeon dans l'abîme?



Et néanmoins quelque temps après, ses ennemis coalisés étaient obligés de s'unir par les serments les plus farouches, par des conjurations presque cabalistiques, et de se donner une attitude de Brutus aiguisant des poignards, pour barrer le chemin de la Présidence à ce cadavre récalcitrant.
Or, en voyant dernièrement M. Ferry blackboulé par les électeurs de Saint-Dié, des gens assoiffés de vengeance (comique, cette vengeance!) se sont frottés les mains et ont poussé des cris de triomphe.
Cependant, déjà, on parle de compensations: ambassade ou gouvernement exotique, etc. Mais M. Jules Ferry, avec son sourire narquois, attend l'avenir, et le vaincu de Saint-Dié, en soupesant la valeur des nouveaux élus au nouveau Parlement, sait bien que le grand vainqueur du scrutin, c'est lui, Ferry.

                                                                                                                 Chamillac.

Revue Illustrée, juin 1889-Décembre 1889.

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