Mme Madeleine Lemaire.
Mme Madeleine Lemaire s'appelait, avant d'être mariée, Madeleine Colle. Grace à ce nom prédestiné, elle mania de bonne heure le pinceau, et fit non de la peinture à la colle, ni même de la peinture à l'huile, mais tout bonnement de la peinture à l'eau. Ce procédé a le grand avantage de tacher moins gravement qu'un autre et il se recommande pour cette raison aux personnes soigneuses. Du soin, Mlle Colle n'en manquait pas, ayant pour professeur et pour tante une miniaturiste répondant au nom, qui fut célèbre, de Mme Herbelin.
Pendant que Mlle Colle faisait des tableaux, un compositeur de musique appelé Gaston Lemaire, écrivait des mélodies. Ses compositions étaient maniérées. Les aquarelles de Mlle Colle étaient mièvres. Les unes et les autres étaient faites pour s'entendre, et Paris compta un ménage d'artistes de plus.
Mme Madeleine Lemaire, étant riche, n'a pas passé par les épreuves qui, dit-on, trempent le talent. Par contre, sa fortune n'a pas nui à sa carrière artistique, de même que son habilité à manier les couleurs tendres a beaucoup aidé ses succès mondains. Elle habite rue de Monceau, un très joli hôtel, entouré d'un jardin, et son salon est très visité; il a sur celui des Artistes français cette supériorité qu'il est ouvert pendant la moitié de l'année, et que quiconque y a été vu, ne fût-ce qu'une fois, est immédiatement qualifié de "Parisien accompli", quand bien même il débarquerait de Mexico.
On y admire en outre des œuvres de la maîtresse de maison: celles qu'elle parvient à soustraire aux convoitises de ses clients , et son propre portrait par Besnard.
Mme Madeleine Lemaire est tenue pour une de nos plus grandes artistes... en Amérique, et l'on sait que les Américains sont gens de goût. Les revues d'outre-mer s'arrachent ses aquarelles, elle ne suffit pas aux commandes. L'opinion des yankees est que Mme Lemaire, dans la peinture, M. de Montesquiou-Fezensac, dans la littérature, représentent le plus pur art parisien.
Depuis quelques années Mme Madeleine Lemaire fait à Paris, au Muséum d'Histoire naturelle, un cours de dessin appliqué à l'étude des plantes; ce sujet lui est familier, les fleurs ayant été, de tous temps, ses modèles préférés: si elle a peint aussi des portrait de femmes, c'est que, Mesdames, elle pouvait se servir des mêmes couleurs.
Il serait peu galant de vous révéler l'âge de Mme Madeleine Lemaire, qui n'est plus, comme bien vous pensez, de ceux qu'on avoue. Tout ce que je puis dire sans indiscrétion, c'est qu'en 1870 elle exposait déjà au Salon...
Jean-Louis.
Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 11 février 1906.
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