Nous sommes tous fous.
Au congrès de neuralgie, qui vient de se tenir à Bruxelles, on a pu dire, et avec quelque raison, que les médecins aliénistes et neurologues avaient aussi leur manie: celle-ci consiste à cataloguer et à étiqueter, sous la plus pédantesque des terminologies, les manies les plus vulgaires. Croiriez-vous, par exemple, qu'ils ont baptisé du nom de mistakostrepsomanie le léger tic qui, chez les adolescents consiste à caresser souvent de la main leur moustache naissante; de strepsorabdomanie l'habitude, à coup sur fâcheuse, qu'ont surtout les maîtres d'armes et les anciens tambours-majors de faire le moulinet avec leur canne ou leur parapluie; d'otodactylomanie, le mouvement qui, chez certaines personnes, consiste à se mettre le petit doigt dans l'oreille en l'agitant nerveusement. D'autres préfèrent se mettre un doigt dans la bouche; ce sont les stomadactitomanes; si, par surcroît, ils rongent leurs ongles, ils deviennent onyxophagomanes.
C'est être atteint, parait-il, d'harmoniomanie, que de battre du tambour sur les vitres et d'emboîter le pas au régiment qui passe; de spingomanie, que d'apporter trop de brusquerie et de fébrilité dans ses mouvements; de trépodomanie, que de remuer la jambe nerveusement.
Réservons enfin une mention d'honneur au kratopodomane qui a contracté l'habitude de croiser les jambes et de tirer ses chaussettes en parlant.
Beaucoup d'autres manies ont été cataloguées dans le répertoire des neurologues: mais quoi qu'ils fassent, leur classification restera toujours incomplète, et ils auront fort à faire avant d'avoir enregistré tous les tics de la pauvre humanité.
Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 18 mars 1906.
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