Le tuyau de poêle.
Robinson en ferait sa marmite, nous en faisons notre coiffure.
Lorsqu'on le sort de sa boite, à la rentrée, il semble avoir encore grandi, et, quand on pose sur la tête ce tube luisant et ridicule, on se figure être un roi nègre.
Dans la rue, d'un œil inquiet, on se regarde passer devant les devantures, on s'écarte du chien pour qu'il ne hurle, on va devant soi, sans se retourner, de peur d'apercevoir vingt gamins à ses trousses. Si d'aventure, on veut saluer, comme on oublie son importance, on l'empoigne par le fond, tel un petit chapeau, et ses reflets froissés font une grimace. Quand on monte dans un coupé, on le heurte contre le plafond, il escamote vos oreilles, s'enfonce jusqu'à la bouche, et, pendant un instant on croit à une éclipse.
La moindre pluie le rend maussade, il se hérisse comme un chat maigre, mais tel un dieu dans sa pagode, on le promène sous un parapluie. Il est pompeux, cascadeur, ou falot, suivant le chef qu'il recouvre, et comme une grenouille de bocal indique la pluie ou le beau temps, son lustre marque le rang social.
A la campagne, il vit dans une armoire, à la maison, et il ne sort qu'aux jours de fête; à Paris où l'espace manque, on le met sur sa tête pour débarrasser son home.
Les uns affectent les formes allongées de l'obus, d'autres sont bas et évasés; il en est des pointus comme des gobelets d'escamoteurs et, d'autres semblent des enclumes, des pots, des soupières ou des accordéons.
Ils paraissent parler de choses mystérieuses; on s'attend toujours à voir surgir quelque diable poilu; ils sont frères du tuyau des toits où l'hirondelle fait son nid, mais l'araignée seule y peut vivre.
Paul Leclerq.
Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 11 mars 1906.
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