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vendredi 10 novembre 2017

Ceux de qui on parle.

M. Maujan (Adolphe)
Sous-Secrétaire d'Etat à l'Intérieur.



Il y a eu trois hommes dans le sous-secrétaire d'Etat à l'Intérieur: un officier, un écrivain et un homme politique. L'officier est mort depuis vingt-cinq ans et l'écrivain sommeille. C'est la politique qui occupe aujourd'hui toutes les pensées de M. Maujan.
Bien que son père ne fut qu'un ouvrier charpentier, il lui fit faire dans un lycée des études très complètes, à la suite desquelles M. Maujan entra à Saint-Cyr. Il en sortit à vingt-deux ans (1875) comme sous-lieutenant au 76e de ligne.
Après avoir été, à Orléans, officier d'ordonnance du général Thibaudin, il s'attacha, avec la même qualité, au général Millot, commandant la place de Paris. Peu de temps après, le général Thibaudin, devenu Ministre de la Guerre le prit pour secrétaire.
Au cours de ses fonctions, M. Maujan manqua de souplesse. Il mécontenta tout un parti et non des moindres: celui de Jules Ferry. Aussi, quand un changement de ministère eut appelé au pouvoir les amis de Jules Ferry, le nouveau Ministre de la Guerre, le général Campenon, s'empressa d'infliger une disgrâce au capitaine Maujan en l'envoyant simplement commander à Lambessa une compagnie de discipline! C'était l'exil.
Au lieu de se soumettre à cet ordre, M. Maujan donna une nouvelle preuve de son caractère pointu en démissionnant de l'armée.
Une élection partielle eut lieu à Lodève: il s'y présenta comme radical socialiste, mais réunit si peu de voix qu'il se désista au ballottage. C'est ce qu'on peut appeler ses débuts dans la politique, qui lui réserva toujours plus d'échecs que de succès.
Cela se passait en 1883. M. Maujan fonde alors la France libre, journal radical.
Deux ans plus tard, aux élections générales, continuation de ses débuts: porté sur la liste radicale de la Loire, il se désiste au ballottage.
En 1889, les élections se font pour ou contre Boulanger. M. Maujan, tenace, est candidat dans le 10e arrondissement de Paris, comme révisionniste antiboulangiste. Il y a ballottage, mais cette fois M. Maujan est élu.
Il s'était donné comme révisionniste. Il fallait qu'il exposât ses idées sur la révision de la Constitution. Après de mûres réflexions, il rédigea un projet qui fut repoussé sans débats. M. Maujan n'avait jamais douté de ce résultat: sinon aurait-il eu le courage de faire figurer dans son texte un article permettant aux électeurs de révoquer leur député quand il ne leur plairait plus?




La législature de 1889 passa vite pour M. Maujan. Il se trouva en désaccord avec les socialistes et dit des paroles dures dont les électeurs se souvinrent en 1893: il ne fut pas réélu.
Il se présenta à Dreux en 1895. Les Durocasses ne voulurent pas de lui. En 1898, une nouvelle tentative échoua. M. Maujan commençait à perdre patience; il harcelait le parti radical qui ne parvenait pas à lui trouver un siège. Enfin, aux élections de 1902, il fut élu dans l'arrondissement de Sceaux par 103 voix de majorité sur plus de 21.000 votants. Il conserva son siège en 1906 et M. Clémenceau l'appela au sous-secrétariat  de l'Intérieur, parce que M. Maujan était toujours de son avis. De plus, M. Maujan amuse M. le Premier qui, dans l'intimité, lui décerne ce petit nom: Chorus, ou encore La Méhalla, en souvenir de l'ardeur belliqueuse que manifesta M. Maujan lors de la période active de l'expédition du Maroc. Le député de sceaux ne parlait-il pas de reprendre du service en qualité de capitaine... d'habillement.
Il me reste bien peu de place pour parler de l'écrivain, mais il n'en faut pas davantage. M. Maujan a écrit deux drames: Léa et Jacques Bonhomme, représentés en 1881 et en 1886. Il a dirigé successivement la France libre, Germinal, la Lanterne, le Radical. Il a publié un certain nombre de brochures politiques et possède encore en manuscrit des pièces intitulées: le Nid, les Factices, le Monde renversé, dont les directeurs de théâtres ne paraissent pas très impatient de le débarrasser.

                                                                                                           Jean-Louis.

Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 13 décembre 1908.

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