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mardi 7 novembre 2017

Celles de qui on parle.

Mlle Ève Lavallière.


C'est par une belle journée du mois d'août 1890 que Mlle Lavallière est arrivée à Paris, dans la ferme intention de faire du théâtre ou, au pis aller, du concert.
Elle entra d'emblée au théâtre des Variétés, qu'elle n'a jamais quitté. Il faut dire qu'elle y a obtenu beaucoup d'avancement.
Au début, elle était simplement figurante; on lui donna quelques répliques, dont elle s'acquitta passablement. Un mois seulement après son arrivée, son directeur lui faisait jouer un travesti: le rôle d'Oreste, jeune gommeux de l'ancienne Grèce, dans la Belle Hélène.
Quel âge avait-elle alors? De quinze à dix-huit ans disent les mieux renseignés. Quant à Mlle lavallière, elle ne dit rien, et c'est fort sage, puisqu'elle serait forcée en donnant son âge, d'avouer pour le moins trente-cinq ans. C'est quinze ans de trop pour une actrice qui s'est fait une spécialité des rôles de mineures.





Les critiques aimables qui veulent dépeindre le genre de Mlle Lavallière, s'étendent sur sa grâce espiègle, sur sa fantaisie spirituelle et malicieuse, etc., etc. Mlle Lavallière confesse tout bonnement que dans tel rôle des Brigands, où elle n'avait que quatre répliques à donner, elle a dû son succès à ses jambes, qu'elle a jolies; que dans tel autre rôle du Petit Faust, elle a été applaudi pour ses pas de danse, et, dans le Sire de Vergy, pour un exercice encore plus inattendu: elle y exécutait avec une aisance extraordinaire, une danse du ventre qui ne lui avait coûté, paraît-il, aucun effort.
Si j'ajoute que Mlle Lavallière dit avec finesse et qu'elle sait mêler aux sourires une pointe de sentimentalité capable d'émouvoir, tous nos lecteurs souhaiteront de connaître une actrice aux talents si divers.
Ces qualités précieuses avaient séduit M. Claretie qui rêvait de faire du Théâtre-Français le premier Casino du monde et qui trouvait que Mme Bartet manquait d'entrain pour l'opérette. Il avait fait à Mlle Lavallière de belles propositions, mais son départ imminent l'a empêché d'y donner suite. Si M. Claretie prend la direction des Folies-Bergères, nul doute qu'il ne réalise son projet en engageant Mlle Lavallière pour jouer le rôle de Dona sol dans une pièce qu'il avait écrite pour la Comédie-Française: Hernani, c'est fini.
Mlle lavallière se grime sérieusement. Elle a tenu dans une revue un rôle qui, bien que muet, ne semblait guère fait pour elle: celui de Napoléon. Dans le Carnet du Diable, elle s'était fait la tête de Mlle Cléo de Mérode. Là encore, elle avait à exécuter des pas de danse. Pendant les répétitions, elle reçut, avec ses compagnes, des conseils de Mme Mariquita: elle les comprenait si mal qu'elle se lassa et dansa à sa façon. Le public fut ravi, mais Mme Mariquita, voyant son élève violer toutes les règles de l'art, l'appelait avec dédain sa Prima tourta.
Mlle Lavallière va passer tous les ans quelques semaines à Saint-Lunaire. Il y a trois ans, le docteur Pozzi l'opéra d'un rein flottant. On fut stupéfait d'apprendre, que Mlle lavallière, qui ne prend rien au sérieux pouvait faire une maladie grave.

                                                                                                                      Jean-Louis.

Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 6 décembre 1908.

Nota de Célestin Mira: Mlle Lavallière est devenue, le 19 septembre 1920, sœur Ève-Marie du Cœur de Jésus. A consulter sur wikipedia le récit de la vie peu banale de Mlle Ève Lavallière.

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