Henry Bernstein.
Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 15 novembre 1908.
Nota de célestin Mira: merci à M. Benoît Gautier.
M. Henry Bernstein est un auteur dramatique qui paraît avoir un bel avenir devant lui, et cela pour deux raisons: la première, c'est qu'il est jeune, condition essentielle, n'est-ce pas, pour avoir un bel avenir devant soi; la seconde, c'est que les pièces qu'il a fait jouer jusqu'à présent ont fort bien réussi.
Ses œuvres ne sont pas très nombreuses, car M. Henry Bernstein n'a que trente-deux ans. En collaboration avec M. Pierre Weber il a écrit Frère jacques, puis il a donné seul: Le Marché, Le Détour, Joujou, Le Bercail, Samson, pièces qui lui ont valu de brillants succès.
Au physique, c'est un long corps, frêle avec une tête fine, aux cheveux blonds aplatis, au nez allongé, au menton un peu fuyant. Il est si grand que pour ne pas en avoir l'air, par modestie, il se tient toujours légèrement courbé; mais il a beau faire, il n'en reste pas moins très grand pour son âge.
M. Henry Bernstein est un de ces gens dont l'activité ne se limite pas à une seule occupation, si captivante, si glorieuse soit-elle. En même temps qu'il écrit des pièces de théâtre, il fait, comme on dit, "la vie", c'est à dire qu'il lui arrive parfois de souper en bonne compagnie et de boire du champagne après minuit. Il ne se fait pas scrupule non plus de passer une soirée au cercle et d'y risquer quelques louis. Enfin il se livre au sport et à l'automobilisme et ce n'est pas encore tout.
Ce n'est pas tout, car M. Bernstein pratique quelquefois un certain sport dont il doit tenir le goût de son frère, l'avocat: il plaide.
Entendons-nous, il ne plaide pas pour les autres mais pour lui-même, ou, si l'on préfère, il est à l'occasion, plaideur.
Il a intenté un procès au directeur du Gymnase au sujet du manuscrit d'une de ses pièces: Le Voleur. Il en a fait un autre à M. Urbain Gohier pour avoir publié dans un journal qu'il dirige un dessin humoristique qui mettait en scène M. Bernstein. Aussi ne sommes-nous qu'à demi-tranquille, je vous assure, Lion et moi, de vous présenter aujourd'hui un homme au tempérament aussi irritable.
Pour me ménager sa bienveillance, je vous dirai, sans vous obliger à me croire, que M. Bernstein est l'homme le plus modeste, le plus simple, le plus accommodant de la terre, qu'il est le plus parfait des auteurs dramatiques et enfin le patriote le plus convaincu de notre époque. Hum!...
Pour terminer, je vous citerai une anecdote qui montre qu'il n'en est pas le moins spirituel, si toutefois l'anecdote est vraie! Où la fraude ne se glisse-telle pas?
M. Bernstein reçoit un jour la visite d'un comédien qui, après s'être confondu en éloges sur la beauté de ses pièces, se hasarde à lui demander:
- Est-ce que vous consentiriez, mon cher maître, à me réserver une création?
M. Bernstein ne manifeste aucune surprise et du ton le plus naturel s'enquiert.
- Votre taille?
Et comme le visiteur paraît interloqué, voilà M. Bernstein qui commence à lui mesurer, à l'aide d'un centimètre de couturière, la longueur des bras, le tour de taille et la largeur de poitrine.
Alors, devant l'effarement du jeune artiste, il lui dit simplement:
- C'est bien ce que vous me demandez, n'est-ce pas, un rôle sur mesures?
Jean-Louis.
Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 15 novembre 1908.
Nota de célestin Mira: merci à M. Benoît Gautier.
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