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lundi 20 novembre 2017

Le portrait.

Le portrait.

Ce qui me frappe d'abord, chez ces pauvres gens, c'est un portrait de Victor Hugo, collé au mur, entre la cheminée et le plafond.
Le grand homme, celui que j'aime par dessus tout, croise les bras et regarde, avec pitié, cette famille de misérables. Et peut-être qu'il les aide à vivre. Ils n'ont rien lu de lui. Victor Hugo était-il plus qu'un évêque ou qu'un ministre? Ils l'ignorent. C'était quelqu'un dont on parlait beaucoup dans le "Petit Parisien" et qu'on a enterré aux frais de l'Etat.
Voilà ce qu'ils savent.
Et dès qu'ils lèvent la tête vers l'image, elle les réconforte. Elle remplace le bon Dieu que personne ne voit jamais, qui a tort de ne pas se montrer plus souvent et peu s'en faut qu'ils ne la prient.
- Ainsi nous somme égaux dans une même foi. Leur culte m'attendrit et, les yeux au portrait, je crierais: "Vous êtes de braves gens!" et j'embrasserais la femme et les petits, si le père ne me disait à temps: "Je l'ai mis là pour boucher le trou du tuyau de poêle."

                                                                                                                             Jules Renard.

Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 17 mars 1907.

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