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jeudi 2 novembre 2017

Chronique du 14 février 1858.

Chronique du 14 février 1858.

Folle par amour, tel est le titre de bien des romans et l'histoire de bien des femmes.

- La femme B..., demeurant rue Saint-Séverin, entretenait des relations avec un sieur X... Celui-ci ayant été obligé de quitter Paris pour faire un long voyage, son absence plongea dans un profond chagrin la femme B... qui éprouvait pour lui une vive affection. Elle demeura en proie à une sombre mélancolie, et elle donna quelques signes d'aliénation mentale.
A son retour, le sieur X... se rendit chez la femme B..., et, apprenant que sa santé était altérée, lui témoigna le plus vif intérêt. Mais il était trop tard; le coup était porté, et le sieur X... ayant été obligé de repartir, l'émotion que ressentit sa maîtresse lors de cette nouvelle séparation activa le dérangement de son esprit. Croyant voir du sang partout, elle détruisit tous les objets ayant la couleur rouge.
Enfin, elle s'imaginait qu'elle était poursuivie par des individus qui en voulaient à sa vie. Un matin, voulant échapper à ses persécuteurs imaginaires, elle se précipita par l'une des fenêtres de son logement, situé au cinquième étage, et se fractura le crâne sur le pavé. La mort a été instantanée.
- La demoiselle Aimée Caron, âgée de vingt-et-un ans, modiste, demeurant rue Sainte-Anne, entretenait des relations avec un sieur D..., employé, domicilié rue Meslay, au quatrième. Une discussion assez vive eut lieu entre eux, après laquelle le sieur D... sortit, laissant la demoiselle Aimée seule dans son logement. Quelques instants après, celle-ci se précipitait par la fenêtre donnant sur la voie publique, et venait se briser la tête sur le pavé. La mort a été instantanée.
- Dernièrement, au moment où les fidèles rassemblés dans l'église Saint-Marcel attendaient le commencement de la messe solennelle, ils furent fort surpris d'entendre une voix sortir de la chaire. Se tournant de ce côté, ils aperçurent un homme à cheveux gris, dont la mise n'avait rien de commun avec le costume sacerdotal et qui commençait par fulminer l'anathème contre toutes les personnes présentes en leur annonçant que les temps prédits par le prophète étaient arrivés, que le soleil allait s'éteindre, que les eaux de la Seine se changeraient en sang, et que, si elles ne dépouillaient à l'instant leurs vêtements pour se revêtir de cilices et se couvrir de cendres, elles seraient dévorées par le feu du ciel.
Le bedeau et le suisse, avec l'assistance d'un sergent de ville de service, s'empressèrent d'interrompre ce prédicateur trop zélé, de le faire descendre de la chaire et de le conduire chez M. Bazile Fréjac, commissaire de police de la section. Aux premières paroles de cet individu, le magistrat reconnu qu'il avait perdu l'esprit. C'est un sieur L..., âgé de soixante-deux ans, domicilié rue Saint-Victor. Il a été envoyé au dépôt de la Préfecture de police et on l'a fait admettre dans une maison d'aliénés.
- On se plait tous les jours à signaler les ridicules inconvénients de la crinoline et des robes gonflées et encombrantes.
Les faits que nous allons publier modifieront peut-être cet état des choses, lorsqu'il sera établi que ces toilettes peuvent servir à la contrebande aussi bien qu'aux fraudes de la coquetterie.
C'est devant le tribunal correctionnel que l'usage lucratif mais malheureux, de la jupe-ballon, a été dévoilé.
La femme Peguillan et sa fille, dans le courant du mois dernier, entraient par une porte de ville.
En les voyant venir, les employés de l'octroi ne furent pas dès l'abord étonnés de la rotondité de ces deux femmes, justifiée par les lois de la mode, et ils allaient les laisser passer, lorsque l'un d'eux aperçut une difformité suspecte.
On les conduisit dans le bureau, et, au grand étonnement de tous, douze perdrix ou bécasses tombèrent des jupes de l'une des femmes, et un lièvre et trois lapins de celle de l'autre.
Procès-verbal fut dressé, et la femme Peguillan, appelée seule de la police correctionnelle, a été condamnée à 100 fr. d'amende.

                                                                                                                     Paul de Couder.

Journal du Dimanche, 14 février 1858.

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