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jeudi 4 février 2016

Les fiançailles.

Les fiançailles.

Ce n'est plus aujourd'hui qu'un usage gracieux; mais autrefois, c'était un rite solennel et qui engageait les deux parties en des liens presque indissolubles.




Dans cette belle composition de G. Jourdain, que nous plaçons aujourd'hui sous vos yeux, vous assistez ami lecteur, aux fiançailles célèbres de Roland avec la belle Aude. C'est Charlemagne qui leur met la main dans la main, et c'est l'archevêque Turpin qui va tout à l'heure les "fiancer" religieusement. Hélas! hélas! leurs noces ne se célébrerons jamais: car le noble fiancé périra bientôt à Roncevaux, et la belle fiancée mourra de cette mort. On ne survit pas à un Roland.
Nos fiançailles à nous, gens du dix-neuvième siècle, ne se passent pas de la même façon. Tout d'abord nous n'avons plus de Charlemagne, à moins cependant... mais, chut! ne parlons pas politique. Nos femmes et nos filles sont moins bien vêtues que ces dames d'antan dont le peintre nous donne ici une image si exacte; et nos architectes, enfin, ne seraient pas de taille à bâtir ce palais dont vous admirez l'ordonnance superbe.
Sans doute, il y a encore des Roland dans notre armée; mais c'est notre seule consolation et notre suprême espérance.
Malgré tout, rien n'est charmant, comme des fiançailles, même en 1886. Car, enfin, il y a là ce qu'aucune révolution ne saurait entamer ni flétrir: la jeunesse.
La jeunesse avec ses longues espérances, ses candeurs charmantes, son rire frais et son printemps en fleur.
C'est en vérité, le plus doux temps de la vie..., si les fiancés sont chrétiens et connaissent la noblesse de leurs âmes.
Il ne faut pas cependant que de telles fiançailles durent trop, ou trop peu de temps. Il y a là un double écueil.
En des fiançailles trop courtes, les deux âmes ont à peine le temps de faire "connaissance". On n'a pas le loisir de s'observer, ni même celui de s'aimer. Il faut acheter la corbeille, louer un appartement et le meubler, faire ses invitations pour l'église et pour le lunch, et préparer enfin ce fameux voyage de noces, contre lequel nous ne cesserons jamais de protester tant que nous tiendrons une plume.
Des fiançailles trop longues, c'est pis encore. On s'éternise dans les dangereuses futilités d'une affection trop intime; on arrive à trop se connaître; on épuise par avance tous les délicats plaisirs de la première année de mariage; on court le risque d'une rupture "pour cause d'ennui anticipé"; on se fatigue, j'allais presque dire qu'on se dégoûte l'un de l'autre.
Le mieux est donc de se tenir dans un honnête juste milieu: in medio veritas.
Et aussi, disons-le en finissant, de ne pas avoir un fiancé qui, comme Roland, se fasse tuer avant les noces.

L'Illustré pour tous, choix de bonnes lectures, 10 janvier 1886.

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