Où sont les bras de Vénus?
On a beau être citoyen des Etats-Unis, on n'est pas universel pour cela, et il est parfois difficile de faire à la fois sa fortune et son instruction.
Tel est précisément le cas d'un multi-millionnaire de Chicago, plus riche de banknotes que de savoir, qui, passant par Paris, ce printemps, vint trouver un de nos plus illustres statuaires pour le prier d'exécuter une copie de la Vénus de Milo "qu'il n'avait jamais vu, mais dont il avait beaucoup entendu parler".
L'artiste refuse d'abord, n'ayant point coutume de faire des reproductions; le millionnaire insiste, et emploie des arguments si... dorés que la commande est acceptée et expédiée aux Etats-Unis.
L'Américain déballe avec empressement sa Vénus. Quelle déception! quelle amertume: la statue "manque de bras!" Aussitôt il en informe le sculpteur par télégramme ainsi conçu:
"Statue arrivée, mais bras omis ou égarés. Si omission pas votre fait, prière adresser réclamation Compagnie de transport".
En joignant l'action à la parole, il intente un procès en dommage-intérêts à la Compagnie américaine. Celle-ci délègue auprès de l'amateur éclairé, un de ses employés, lequel examine, et gravement constate à son tour que la Vénus n'a pas de bras! Et la Compagnie, écrasée par ce témoignage, se résigne à payer les dommages-intérêts réclamés!
On a dû rire, dans l'Olympe!
Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 3 février 1907.
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