Les vendanges.
Après l'été, la saison des espérances et des fleurs, vient l'automne, le temps des récoltes et des fruits; c'est cette saison que le poëte villageois Northamptonshire a chanté dans ces beaux vers:
Come, pensive autumn, with thy clouds ans storms,
And falling leaves and pastures lost to flowers,
A luscious charm hangs on they faded forms
More sweet than summer il her loveliest hours,
Who in her blooming uniform of green,
Delights with samely and continual joy.
Viens, pensif automne, j'aime les nuages et les tempêtes,
Tes feuilles qui tombent et tes pâturages dépouillés de leurs fleurs;
Un charme plein de douceur enveloppe tes formes fanées,
Plus doux que l'été dans ses plus aimables heures,
Qui, dans l'uniformité de ses tapis de verdure,
Présente toujours aux regards les mêmes tableaux et les mêmes joies.
Le soleil baisse à l'horizon, les jours diminuent; les feuilles, arrachées par le vent, s'envolent en tournoyant; celles qui tiennent encore aux arbres prennent ces teintes rougeâtres et ambrées dont l'aspect est si délicieux quand un rayon de soleil vient les dorer. Les dernières roses s'épanouissent et nous adressent en s'effeuillant, un odorant adieu. Déjà les moissons sont faites, et les plaines qui s'étendent, nues et dépouillées, ont un aspect de tristesse qui se communique à l'âme. Mais tout dans la nature n'est pas encore en deuil; le soleil perce les nuées humides, il envoie ses plus chauds rayons sur les vignes, dont les pourpres jaunissent et se balancent au souffle du vent; le brouillard du matin vient, comme une rosée féconde, gonfler les grappes du raisin; dans les pays du midi, dans le Bordelais, par exemple, les vendanges commencent.
La vendange, c'est un temps de fête pour les pays vinicoles; toute l'année s'est passée en craintes et en espérances. Les vignerons ont tremblé à l'époque de la gelée menaçante, ils ont redouté la grêle, la pluie qui pourrit les récoltes, le soleil trop ardent qui les dessèche. A présent, arrière les inquiétudes et les craintes, les espérances vont se réaliser, la joie est à l'ordre du jour; la vendange s'ouvre, et les celliers se remplissent au son des gais refrains.
Dès que le jour paraît, une véritable armée de vendangeurs s'ébranle en chantant, les hottes vides sont suspendues sur leur dos; arrivés dans les vignes, ils se mettent à l'ouvrage et sont comme échelonnés au pied des ceps jaunissants; les heures s'écoulent, les hottes se remplissent vite, et on les vide alors dans des cuves que traînent des attelages de bœufs. Puis toutes ces grappes luxuriantes vont mêler leurs sucs dans les grandes cuves où le raisin, subissant une métamorphose, va se changer en vin. Les vendangeurs vont alors rejoindre le raisin, ils piétinent sur les cuves afin d'en extraire le jus, qui sera, plus tard, si recherché des gourmets. C'est le temps des plus rudes labeurs des paysans du Bordelais.
Les travaux de la vendange sont, en effet, aussi longs que multiples; mais les vendangeurs ont aussi leurs distractions et leurs plaisirs: quand vient le soir, les travaux sont suspendus, vendangeurs et vendangeuses se réunissent dans une aire, et là, ils dansent des rondes joyeuses au son d'un violon que le propriétaire qui les emploie fait venir pour cet objet. Ils oublient alors leurs travaux incessants et ne songent qu'à la joie qui suit la peine, à la récompense qui suit l'épreuve comme la lumière suit l'obscurité. Puis, le jour qui termine la vendange est le jour de fête des vendangeurs; c'est pour ce jour-là qu'on réserve les rondes les plus entraînantes, les chants les plus joyeux, et qu'autour de la table où les verres remplis de vin nouveau circulent en s'entre-choquant, les refrains les plus gais se font entendre.
Les têtes finissent parfois par se troubler, et les pas des convives chancellent souvent quand il faut quitter la salle du souper; mais, au jour qui termine la vendange, on ne peut s'étonner de ces joyeuses libations, et il faudrait être bien sévère pour les condamner.
Que d'opérations successives pour amener le raisin qui jaunit ou bleuit sur les ceps à sa destinée définitive! D'abord vous avez vu la cueillette, puis les vendangeurs portant leurs hottes et les versant dans des baquets posé sur un char rustique traîné par des bœufs. C'est ainsi qu'il arrive aux grandes cuves où il doit fermenter, puis le résidu est porté au pressoir où, à l'aide de barres puissantes, on achève d'extraire le jus. Enfin le vin est versé dans les fûts qui s'alignent en deux rangées dans les caves profondes, et là même il faut le visiter et l'entretenir pour que le travail du vin nouveau ne fasse pas le vide dans les pièces.
Vous êtes-vous promené quelquefois, par une belle journée d'automne, alors que les vendangeurs sont à leurs travaux? Vous avez dû être frappé alors de l'animation qui règne dans la plaine et sur les coteaux, de la gaieté qui circule dans l'air, où les travailleurs courbés au milieu des vignes lancent leurs refrains joyeux. Vous en voyez de tous les âges; les enfants eux-mêmes prennent leur part à ces travaux qui les enchantent, chacun veut remplir, selon sa taille, sa hotte ou sa corbeille. Les grives, dérangées au cours de leur repas préféré, s'enfuient à tire-d'ailes en poussant un cri d'effroi; les moineaux, hôtes ordinaires de ces lieux jusqu'alors solitaires, plus hardis que les grives, viennent becqueter presque sous les mains des vendangeurs qui laissent leur part, en terminant, aux oiseaux du bon Dieu.
Il y a , en effet, des glaneurs dans la vigne comme des glaneurs de blé. Les pauvres de pays de vignoble suivent les vendangeurs et recueillent les grappes oubliées pour eux. Pour que Dieu bénisse les vignes comme il bénit les champs et les moissons, pour que les années soient fécondes, ne faut-il pas faire la part des pauvres qu'on appelle ses humbles amis? Ne faut-il pas réserver au voyageur, qui passe altéré, quelques grappes jaunissantes qui apaiseront sa soif?Il aura un souvenir reconnaissant pour les vignerons généreux, et ce souvenir portera bonheur à leurs vignes, que grâce, aux prières des pauvres, peut être, la grêle et la gelée épargneront quand viendra le printemps, qui apparaîtra dans quelques mois, rempli de menaces et d'incertitudes pour la récolte de l'an suivant.
René.
La Semaine des familles, samedi 9 octobre 1869.
La vendange, c'est un temps de fête pour les pays vinicoles; toute l'année s'est passée en craintes et en espérances. Les vignerons ont tremblé à l'époque de la gelée menaçante, ils ont redouté la grêle, la pluie qui pourrit les récoltes, le soleil trop ardent qui les dessèche. A présent, arrière les inquiétudes et les craintes, les espérances vont se réaliser, la joie est à l'ordre du jour; la vendange s'ouvre, et les celliers se remplissent au son des gais refrains.
Dès que le jour paraît, une véritable armée de vendangeurs s'ébranle en chantant, les hottes vides sont suspendues sur leur dos; arrivés dans les vignes, ils se mettent à l'ouvrage et sont comme échelonnés au pied des ceps jaunissants; les heures s'écoulent, les hottes se remplissent vite, et on les vide alors dans des cuves que traînent des attelages de bœufs. Puis toutes ces grappes luxuriantes vont mêler leurs sucs dans les grandes cuves où le raisin, subissant une métamorphose, va se changer en vin. Les vendangeurs vont alors rejoindre le raisin, ils piétinent sur les cuves afin d'en extraire le jus, qui sera, plus tard, si recherché des gourmets. C'est le temps des plus rudes labeurs des paysans du Bordelais.
Les travaux de la vendange sont, en effet, aussi longs que multiples; mais les vendangeurs ont aussi leurs distractions et leurs plaisirs: quand vient le soir, les travaux sont suspendus, vendangeurs et vendangeuses se réunissent dans une aire, et là, ils dansent des rondes joyeuses au son d'un violon que le propriétaire qui les emploie fait venir pour cet objet. Ils oublient alors leurs travaux incessants et ne songent qu'à la joie qui suit la peine, à la récompense qui suit l'épreuve comme la lumière suit l'obscurité. Puis, le jour qui termine la vendange est le jour de fête des vendangeurs; c'est pour ce jour-là qu'on réserve les rondes les plus entraînantes, les chants les plus joyeux, et qu'autour de la table où les verres remplis de vin nouveau circulent en s'entre-choquant, les refrains les plus gais se font entendre.
Les têtes finissent parfois par se troubler, et les pas des convives chancellent souvent quand il faut quitter la salle du souper; mais, au jour qui termine la vendange, on ne peut s'étonner de ces joyeuses libations, et il faudrait être bien sévère pour les condamner.
Que d'opérations successives pour amener le raisin qui jaunit ou bleuit sur les ceps à sa destinée définitive! D'abord vous avez vu la cueillette, puis les vendangeurs portant leurs hottes et les versant dans des baquets posé sur un char rustique traîné par des bœufs. C'est ainsi qu'il arrive aux grandes cuves où il doit fermenter, puis le résidu est porté au pressoir où, à l'aide de barres puissantes, on achève d'extraire le jus. Enfin le vin est versé dans les fûts qui s'alignent en deux rangées dans les caves profondes, et là même il faut le visiter et l'entretenir pour que le travail du vin nouveau ne fasse pas le vide dans les pièces.
Vous êtes-vous promené quelquefois, par une belle journée d'automne, alors que les vendangeurs sont à leurs travaux? Vous avez dû être frappé alors de l'animation qui règne dans la plaine et sur les coteaux, de la gaieté qui circule dans l'air, où les travailleurs courbés au milieu des vignes lancent leurs refrains joyeux. Vous en voyez de tous les âges; les enfants eux-mêmes prennent leur part à ces travaux qui les enchantent, chacun veut remplir, selon sa taille, sa hotte ou sa corbeille. Les grives, dérangées au cours de leur repas préféré, s'enfuient à tire-d'ailes en poussant un cri d'effroi; les moineaux, hôtes ordinaires de ces lieux jusqu'alors solitaires, plus hardis que les grives, viennent becqueter presque sous les mains des vendangeurs qui laissent leur part, en terminant, aux oiseaux du bon Dieu.
Il y a , en effet, des glaneurs dans la vigne comme des glaneurs de blé. Les pauvres de pays de vignoble suivent les vendangeurs et recueillent les grappes oubliées pour eux. Pour que Dieu bénisse les vignes comme il bénit les champs et les moissons, pour que les années soient fécondes, ne faut-il pas faire la part des pauvres qu'on appelle ses humbles amis? Ne faut-il pas réserver au voyageur, qui passe altéré, quelques grappes jaunissantes qui apaiseront sa soif?Il aura un souvenir reconnaissant pour les vignerons généreux, et ce souvenir portera bonheur à leurs vignes, que grâce, aux prières des pauvres, peut être, la grêle et la gelée épargneront quand viendra le printemps, qui apparaîtra dans quelques mois, rempli de menaces et d'incertitudes pour la récolte de l'an suivant.
René.
La Semaine des familles, samedi 9 octobre 1869.
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