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mercredi 25 mars 2015

Ceux dont on parle.

M. Ribot.

Pour préserver certaines matières des intempéries, on les badigeonne d'une couche de peinture: la plus résistante est cette peinture rouge appelée minium qu'on applique généralement au préalable, pour la recouvrir ensuite de la teinte choisie.
M. Ribot joue au Parlement le rôle du minium: de tous les députés conservateurs, c'est celui dont on fait l'usage le plus fréquent et le plus sûr. Peu importe le principe qu'il s'agit de conserver: M. Ribot est toujours prêt à couvrir de sa longue redingote les abus et les iniquités que les partisans de l'ordre lui signalent comme indispensables à la sécurité des abonnés du Temps.
C'est ainsi que nommé en mai 1870 substitut du procureur impérial près le Tribunal de la Seine, M. Ribot accepta le poste de directeur des Affaires criminelles et des Grâces en 1875, et qu'il eut peut-être l'occasion de proposer pour la grâce de bons républicains contre lesquels il avait requis sous l'Empire. S'il avait fait autrement, M. Ribot se serait révélé réactionnaire, et Dieu le garde d'être jamais autre chose qu'un conservateur, dût-il conserver un jour le collectivisme.
Rappellerai-je les interventions les plus importantes de M. Ribot dans la politique de ces vingts dernières années? L'expédition du Tonkin rencontra en lui un adversaire obstiné, mais sans doute afin d'effacer l'impression fâcheuse que cet entêtement avait pu laisser chez ses électeurs, il organisa en 1895 cette glorieuse manifestation que fut la campagne de Madagascar: par bonheur la présidence du Conseil ne lui resta aux mains que dix mois; qui sait autrement, de combien de terres insalubres et de trônes boiteux notre empire colonial se serait enrichi?



Il présidait également le cabinet des ministres quand eut lieu à Cronstadt la fâcheuse réception de l'amiral Gervais qui fut célébrée dans tous les cafés-concerts comme une des plus belle victoire de la République.
Il y a six ans, M. Ribot s'éleva contre la proposition qui tendait à mettre le général Mercier en accusation, comme il s'était élevé jadis contre la suspension de l'inamovibilité de la magistrature.
Toute idée un peu audacieuse jette le trouble dans son esprit, et il dépense plus d'activité pour piétiner sur place qu'il n'en faut à tout le Parlement pour voter une bonne loi.
D'aspect aimable, presque élégant, M. Ribot possède une voix douce qui séduit le public et qu'il sait élever au besoin au-dessus du tumulte, sans pouvoir cependant tenir tête à ces charivaris qui donnent une si belle idée de l'ardeur des convictions de nos représentants. C'est, en définitive, un politicien remarquable, auquel il n'a manqué qu'un peu d'enthousiasme pour se faire un grand nom.

                                                                                                                        Jean-Louis

Alors que M. Ribot n'était encore qu'un tout petit garçon qui portait des jupes, sa maman lui demanda:
- Alexandre, que veux-tu être quand tu seras grand?
- Je serai soldat.
- Mais tu risques d'être tué.
- Par qui?
- Par l'ennemi.
Alors le futur politicien, après un moment de profonde réflexion:
-Eh bien! je serai l'ennemi.

Mon dimanche, revue populaire illustrée, 1er janvier 1905.

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