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mardi 3 mars 2015

Azay-le-Rideau.

Azay-le-Rideau.
            (France)



Le château d'Azay, par son agréable situation dans une île formée par la rivière d'Indre, est digne d'être cité comme l'une des plus pittoresques de France, et par la richesse des détails de son architecture, il doit être mis au nombre des plus beaux monumens de la renaissance.



Les archives de cette terre offrent une suite de seigneurs qui remonte jusqu'au commencement du XIIIe siècle. Hugo-Ridelley ou Ridelli, seigneur d'Azay et de Relay, est le premier dont on ait connaissance, et c'est de son nom que ce lieu a pris celui d'Azay-le-Rideau. Ce seigneur est compté parmi les chevaliers bannerets de Touraine, qui combattaient auprès de Philippe-Auguste, à la bataille de Bovines.
Il ne reste, de l'ancien château, qu'une grosse tour qu'on a trouvé le moyen de lier aux nouvelles constructions, commencées en 1502 par Gilles Berthelot, et continuée par Pothon de Xaintrailles et Samblançay.
Ce château, élevé sur pilotis, est flanqué de tourelles, qui forment, avec les deux principaux corps de bâtiment, une masse aussi imposante que remarquable par l'élégance de son architecture. Il est entouré, au nord et au midi, par la rivière d'Indre qui, au couchant, se divise de manière à former plusieurs petites îles couvertes d'arbres. A l'extrémité, du côté de la route de Chinon à Tours, se trouve une belle chute d'eau, formée par le bras de la rivière qui sépare les jardins d'un ancien pont.
La terre d'Azay, l'une des plus anciennes châtellenies de France, jouissait de privilèges très-étendus. Après Gilles Berthelot, trésorier ou surintendant de l'épargne sous François 1er, elle a été successivement possédée par les dauphins d'Auvergne, et plusieurs seigneurs des maisons de Montpensier, de Sancerre, de Cossé, de Saint-Gelais, de Lausac, de Lusignan et de Vassé. Le propriétaire actuel s'est attaché à réparer le château dans le style du XVIe siècle, et particulièrement la chambre de François 1er. Ce prince avait fait d'Azay-le-Rideau un rendez-vous de chasse, à cause du voisinage de la forêt de Chinon.
Le portail d'Azay, exécuté avec légèreté et correction, est le premier objet qui se fait remarquer. Composé de trois ordres d'architecture, pris dans les modèles de la renaissance, ce portail, ornement de la façade principale du château, sert de cage à un escalier des plus curieux, où le précieux des détails le dispute à leur profusion. Les deux bas-reliefs de la première frise représentent, l'une une hermine, et l'autre une salamandre au milieu des flammes, avec cette devise: Nutrisco et extinguo. Cinq colonnes surmontées de niches, dans la frise desquelles est écrit: ung seul désir, servent à lier le rez-de-chaussée avec les étages supérieurs, dont les pilastres sont recouverts d'arabesques du meilleur goût. Ce portique se termine par un fronton, sur lequel on distingue quelques traces d'armoiries, et le chiffre de Diane de Poitiers, cette femme dont la beauté agit si puissamment sur l'esprit des rois François 1er et Henri II son fils.
Quoi de plus gracieux que la cour de François 1er, et le gentil usage des filles de la reine, nobles demoiselles qui servaient les intimités du palais. Lorsque le roi allait courre le cerf à Fontainebleau, à Azay, à Saint-Germain ou à Chambord, cette nombreuse suite de demoiselles l'accompagnaient, et là, sa majesté prenait ses ébattemens et plaisirs. La cour de François 1er était, comme dit Brantôme, assez gentiment corrompue: "Une cour sans femmes, disait ce roi galant, est une année sans printemps, un printemps sans roses. -C'est un jardin sans fleurs, ajoute un courtisan, et ressemble mieux une cour de satrape ou d'un Turc, que non pas d'un roi très-chrétien." Quand le roi s'acheminait vers quelques uns de ses châteaux, sans y mener les femmes, chose, du reste qui était assez rare: "Nous étions, dit encore Brantôme, si esbahis, si perdus et fâchés, que pour huit jours que nous faisions de séjour séparés d'elles et de leurs beaux yeux, ils nous apparaissaient un an, et toujours à souhaiter: quand serons-nous à la cour? n'appelant la cour bien souvent là où était le roi, mais où étaient la reine et les dames."
Le but de François 1er avait été de raviver l'esprit chevaleresque des vieux temps, non point qu'il put évoquer du tombeau une institution qui était morte avec les idées et les mœurs de la conquête féodale; mais le courage galant du preux monarque se complaisait avec les fières prouesses, les bons coups d'épées, les combat à fer émoulu qui s'unissait si bien à l'amour des dames, à la douce licence des mœurs et des propos. Jamais les tournois, les chocs des longues piques n'avait été plus fréquens et plus hardis; on se mêlait aux joutes par amour de sa mie: rois, princes de sang et simples chevaliers. Quels beaux échafauds parés de mille couleurs! quelle foule de nobles demoiselles donnant le prix de vaillance à travers les trophées d'armes et les blasons! Aussi, tous les châteaux bâtis à cette époque sont-ils surchargés de devises galantes, de chiffres entrelacés que soutiennent de petits amours, et le château d'Azay, plus qu'aucun autre, donne une juste idée de ce gracieux passe-temps.
Tout porte à croire qu'il a dû exister sur l'emplacement d'Azay-le-Rideau un établissement formé par les Romains; plusieurs fouilles ont fait découvrir d'anciens monumens qui, par leur distribution encore apparente et par les matériaux dont ils étaient composés, annoncent des constructions romaines. On voit, dans la bibliothèque du château, un sigillum en cristal, d'une grande dimension, un petit gladiateur monté en bague, des urnes lacrymatoires et d'autres objets précieux qui se trouvaient, pour la plupart, renfermés dans le tombeau d'un jeune chevalier romain, trouvé dans le parc d'Azay, en un lieu nommé la Rémonière, qu'on dit avoir tiré son nom d'un temple consacré à Remus.
La petite ville d'Azay-sur-Indre paraît avoir été autrefois d'une assez grande importance; occupée par les Bourguignons qui s'en étaient rendus maîtres, Charles VII, alors dauphin, en fit le siège et la prit en 1418. Ce prince, mécontent des habitans, en fit pendre, disent les chroniques, dix-sept, vingt et quatorze aux toits de leurs maisons, qu'il fit brûler après. De là la dénomination d'Azay-le-Brûlé, conservée depuis à cette ville.

Magasin universel, novembre 1836.

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