Fontaine monumentale de la place Sainte-Sulpice.
Cette fontaine, exécutée aux frais de la ville de Paris, s'élève sur l'axe même de l'église Saint-Sulpice, au milieu de la belle et grande place qui précède le portail.
Elle est en pierre, et présente la forme d'un pavillon à quatre angles, couronné d'une coupe à arêtes qui se termine par un fleuron d'une croix de fer.
La base de ce pavillon est assise sur trois bassins superposés, dont les deux étages supérieurs sont unis entre eux par quatre piédestaux à deux gradins. Le gradin le plus élevé supporte un vase qui a deux mascarons pour anses et d'où s'échappe une gerbe d'eau; sur le gradin inférieur est un lion couché qui semble soutenir de ses ongles un cartouche aux armes de la ville de Paris.
L'eau qui s'échappe des quatre vases tombe en cascades dans le dernier bassin, dont la forme est octogone et dont le diamètre n'a pas moins de 25 mètres.
Dans les niches pratiquées aux quatre faces du pavillon et séparées entre elles par des pilastres d'ordre corinthien, ont été placés les statues des quatre grands orateurs de la chaire: Bossuet, évêque de Meaux, par M. Feuchère; Fénelon, archevêque de Cambrai, par M. Lanno; Fléchier, évêque de Nîmes, par M. Desprez; et Massillon, évêque de Clermont, par M. Fouquiet. Les lions ont été exécutés par M. F. Derre.
Chaque niche est surmontée d'écussons couronnés de la barrette des princes de l'Eglise, et où sont figurées les armoiries des diocèses de Meaux, de Cambrai, de Nîmes et de Clermont.
Ce monument a été construit, sur les dessins et sous la direction de M. Visconti, par M. Vivenel, entrepreneur des travaux de l'Hôtel de ville.
On y trouvera peut-être à blâmer quelque lourdeur; mais M. Visconti a voulu sans doute se conformer au type que s'était proposé Servandoni, l'architecte du portail de Saint-Sulpice. Le bassin octogone et le bassin intermédiaire rappellent les profils de l'ordre dorique, et le bassin supérieur, quoique plus orné, ne sort pas des limites sévères de cet ordre. Arrivé au pavillon, l'artiste a consenti à le flanquer de pilastres corinthiens, mais il a réprimé l'élégance de ces ornements par l'austérité de la coupe qui les domine.
Il est moins facile d'excuser la lourdeur des statues qui représentent Fénelon, Massillon et Fléchier. Il est vrai que toute statue assise et destinée à figurer au-dessus du plan visuel paraît nécessairement lourde et veut être traitée d'une manière spéciale; mais on aurait peut-être évité ce premier obstacle en représentant ces évêques debout; l'art et l'effet y eussent gagné sous tous les rapports. Si pourtant les proportions adoptées par l'architecte s'y opposaient, que ne suivait-on l'exemple de M. Feuchère, dont le Bossuet démontre comment, à force d'art, on donne du mouvement et de la légèreté à une statue assise.
M. Derre nous paraît être tombé dans l'erreur contraire à celle de MM. Lanno, Desprez et Fouquiet. Ce n'est certes point par la lourdeur que pèchent ses lions, ce serait plutôt par l'exagération du mouvement. S'il avait eu le désir de personnifier en eux les passions, il ne leur aurait pas donné un aspect plus hérissé. Le voisinage de l'église et le style de la fontaine conseillaient à M. Derre plus de calme. Ses lions, il faut bien le dire, ne sont pas assez empreints du caractère monumental; mais c'est le seul reproche à lui adresser: il est difficile de donner plus de vie à la pierre.
Magasin pittoresque, janvier 1849.
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