Translate

dimanche 29 mars 2015

Le plus curieux des animaux.

Le plus curieux des animaux.

La femme est plus curieuse que l'homme. Cela va de soi, et personne n'en doute. C'est peut être un signe de supériorité, car on ne retrouve le même péché mignon que chez les animaux les plus élevés en organisation et en mentalité. Et l'animal est presque aussi curieux, sinon plus, que la femme. Le chien est sans cesse en éveil et cherche à s'expliquer tout ce qui frappe ses yeux ou ses oreilles. Quand il voit un objet pour la première fois, il tourne tout autour et cherche à comprendre son usage. Son attention est toujours attirée par le nouveau: j'en ai rencontré qui riaient devant un objet bizarre pour eux. Le chien rit très bien; il suffit de l'observer pour s'en convaincre. Le cheval est curieux, moins que l'oiseau, pourtant. Quelques oiseaux sont d'une indiscrétion rare.

Les chiens ne se trompent pas de vêtements.

On dirait que certains chiens cherchent à faire eux-mêmes leur éducation, les gros chiens de montagne sont à ce point de vue particulièrement curieux. On met un vêtement neuf. Le chien s'approche et vous sent pendant un certain temps, se demandant sans doute si vous avez fait peau neuve. On change de gants. Il flaire le gant pendant des minutes si le gant est neuf. S'il a déjà servi, il n'y prête aucune attention.
Je me suis amusé plusieurs fois à mettre des gants qui appartenaient à diverses personnes présentes. Le chien était un Saint-Bernard. Chaque fois que je changeais de gant, comme poussé par un ressort, automatiquement, l'animal s'approchait de la main; après une seconde, il s'en allait se faire caresser par le propriétaire du gant. Et ainsi, chaque fois le gant semblait éveiller en lui le nom de celui qui avait prêté son gant.

Un chien qui cause avec les arbres.

Le chien du Saint-Bernard possède un flair étonnant. Il a la manie de causer dans un langage inconnu des minutes entières avec les arbres. Il a ses arbres préférés. Il les sent, tourne autour. On croirait qu'il éprouve une sensation particulière pour chaque essence. Pourquoi ces têtes-à-tête si longs et si renouvelés? Il faut un rappel énergique pour lui faire quitter la place. Qu'y a-t-il dans l'arbre? Une odeur sui generis, ou bien des insectes qui attirent son attention. Non, sans doute, puisqu'il en est de même hiver comme été. Aussitôt libre, le chien court à ses arbres. J'ai essayé de faire pénétrer des parfums un peu violents au pied des arbres. Le chien n'y prend pas garde. Cependant s'il reconnaît une odeur portée par quelqu'un de son entourage, il insiste un peu plus longtemps sur son examen et passe la tête haute, comme s'il cherchait la personne qui porte d'habitude le parfum.
La curiosité du chien est quelquefois mal récompensée. Romanes se mit un jour à préparer des bulles de savons. Son chien manifesta un intérêt particulier pour l'expérience. Naturellement, il s'approcha d'une bulle et la flaira. La bulle s'éloigna; il s'approcha encore et de la patte toucha le petit ballon. Mais la bulle creva. Le chien, tout surpris et effrayé, s'enfuit et court encore.
Un matin, au Bois, une fillette tenait à la main une boîte carrée du volume d'un kodak. Mon Saint-Bernard voulait savoir absolument ce que c'était que cette boîte. Il la regardait, la sentait, appuyait son museau sur le maroquin. L'enfant, pour s'amuser, poussa un ressort. La boîte s'ouvrit brusquement, et, comme un diable, sortit un long serpent en baudruche qui frappa le chien. Celui-ci ne fit qu'un bond et, pris d'une frayeur folle, se sauva chez lui, à un kilomètre de distance. Depuis, il ne s'est jamais plus approché de la fillette et s'éloigne en courant quand il l'aperçoit. Curieux, mais aussi plein de mémoire!    

                                                                                                        Henri de Parville.

Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 1er janvier 1905.            

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire