Le château de Maintenon.
Au mois de décembre 1674, madame de Maintenon (qui à cette époque, ne s'appelait encore que madame Scarron) fit l'acquisition, au prix de 240.000 livres, de la terre de Maintenon, "située, dit-elle, à quatorze lieues de Paris, à dix de Versailles, à quatre de Chartres, et valant dix à douze mille livres de rente... C'est un gros château, au bout d'un grand bourg (1), une situation selon mon goût, et à peu près comme Murçay, des prairies tout autour, et la rivière qui passe par les fossés." (Lettre à son frère, 6 fév. 1675.)
A quelques jours de là, elle écrivait à madame de Coulanges, le 5 février 1675: "J'ai été deux jours à Maintenon qui m'ont paru un moment. C'est une assez belle maison, un peu trop grande pour le train que j'y destine. Elle a de forts beaux droits, des bois où madame de Sévigné rêverait à madame de Grignan tout à son aise. Je voudrais pouvoir y demeurer, mais le temps n'est pas encore venu."
Maintenon était un château gothique bâti dès le temps de Philippe-Auguste, mais presque entièrement reconstruit aux quinzième et seizième siècles, et formant, comme la plupart des châteaux du moyen âge, disposés pour la défense, un carré flanqué aux quatre angles de quatre tours. Cette construction sévère était relevée par l'élégance de quelques morceaux d'architecture de la renaissance, dus à M. Cottereau, trésorier des finances, qui avait acquis le château de Maintenon en 1506. Quand madame de Maintenon l'acheta, il se trouvait en fort mauvais état, n'avait que de médiocres dépendances, point de parc ni de grands jardins. Elle le répara et l'améliora un peu. Le roi s'y arrêta plusieurs fois en allant à Chambord, et y voulut plusieurs fois faire travailler; mais madame de Maintenon déclina toujours ces libérales intentions, et, sauf de modestes agrandissements, le lieu resta à peu près ce qu'il était auparavant. Quand les travaux du grand aqueduc de Maintenon furent commencés, le roi y fit des voyages plus fréquents, et Maintenon devint pour quelque temps une des résidences passagères de la cour.
Le roi avait voulu dédommager madame de Maintenon des dégâts et pertes que lui avait occasionnés l'entreprise de l'aqueduc, et il lui fit don de nouvelles rivières avec leurs digues. Il acquit en outre pour elle la terre et seigneurie de Grogneul, et il érigea le tout en marquisat. Il lui fit aussi l'abandon de tout ce que le château avait reçu d'augmentations et d'embellissements.
Ces embellissements se bornèrent, quant aux jardins, à la construction d'un parterre et d'un grand canal passant sous l'aqueduc en face du château. Quant au château lui-même, on se contenta d'y apporter quelques améliorations intérieures et de construire une aile.
Lorsque le projet d'aqueduc eut été abandonné et que le roi eut cessé d'aller à Maintenon, tous les autres projets d'agrandissement furent abandonnés, et madame de Maintenon, qui ne quittait pas le roi, cessa elle-même d'y aller. Maintenon, qui s'était vu animé par de si grands travaux, par le nombre et le mouvement des troupes, et par la présence du roi et de la cour, se retrouva bientôt rendu à ses habitudes paisibles et au calme des champs (2).
Le château de Maintenon appartient aujourd'hui à M. de Noailles, qui l'a fait complètement restaurer.
Les murs du château sont baignés par les eaux de la Voise et de l'Eure, qui parcourent le jardin et le parc et s'y divisent en nombreux canaux sur lesquels sont jetés cinquante ponts.
Non loin du château, on voit les ruines de l'aqueduc commencé en 1624 pour conduire les eaux de l'Eure à Versailles.
(1) Ce bourg est devenu la jolie petite ville de Maintenon, bien bâtie, agréablement située, et où l'on compte environ 1.600 à 1.700 habitants.
(2) Histoire de madame de Maintenon et des principaux événements du règne de Louis XIV, par M. le duc de Noailles, 1848.
Magasin pittoresque, février 1849.
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