Un ivrogne peut-il prendre feu ?
Vésuves humains-explosion d'un estomac.
Flambez une allumette au voisinage d'une éponge bien imbibée de pétrole ou d'alcool, celle-ci prendra feu aussitôt, sans qu'il soit besoin de contact immédiat. Or, si l'on en croit certaines histoires plus ou moins antiques, certains faits rapportés de temps à autre par les journaux, il semblerait que, dans certaines conditions, le corps humain devenu tout à fait semblable à une éponge saturée d'alcool puisse, de même, se mettre à flamber soudain à l'approche d'un foyer de chaleur suffisant.
Qu'y a-t-il de vrai au fond de cette assertion plus ou moins contrôlée ?
La combustion spontanée est-elle possible ?
Tout d'abord, on peut se demander s'il est bien scientifique d'assimiler le corps d'un ivrogne à une éponge imbibée d'alcool ?
A priori, il semble assez naturel que les spiritueux absorbés par l'estomac et l'intestin aillent ensuite se répandre et diffuser dans tout l'organisme, imprégnant également les viscères et les tissus qui le composent.
A ce compte-là, en plaçant dans autant de cornues des fragments de foie, de muscles, de rein, de graisse, d'os, etc..., prélevés sur le cadavre d'un buveur vraiment digne de ce titre, on devrait obtenir par distillation une certaine quantité d'alcool ( plus ou moins dénaturé ).
Mais il n'en est rien; l'affinité de nos tissus pour l'alcool est très variable; celui-ci a une préférence marquée pour le foie et le cerveau, et encore, avant de s'y fixer et d'y exercer particulièrement ses ravages, subit-il de nombreuses transformations chimiques. Si le foie et le cerveau sont généralement le plus touché chez l'alcoolique, le coeur, les reins, les artères subissent également des lésions graves et irrémédiables, mais encore une fois, après avoir exercé son action nocive, l'alcool est éliminé; donc il ne séjourne pas dans nos tissus, donc la fameuse comparaison de l'éponge ne tient pas debout.
Mais pourtant, dira-t-on, il arrive parfois qu'on trouve le cadavre complètement carbonisé d'un individu, alors qu'autour de lui, dans la chambre, rien ou presque rien n'est brûlé.
Il faut bien que la flamme ait trouvé dans le corps seul des aliments propres à l'entretenir. Or, on sait que la peau, les muscles, les os, etc..., ne sont guère capables de brûler par eux-mêmes.
Ce sont justement des cas semblables, assez fréquents dans les campagnes où souvent un vieillard alcoolique habite tout seul dans une chaumière isolée, qui ont fait croire à la combustion spontanée des ivrognes; on accusait l'alcool d'avoir facilité la combustion de tissus peu inflammables par eux-mêmes.
Il faut bien que la flamme ait trouvé dans le corps seul des aliments propres à l'entretenir. Or, on sait que la peau, les muscles, les os, etc..., ne sont guère capables de brûler par eux-mêmes.
Ce sont justement des cas semblables, assez fréquents dans les campagnes où souvent un vieillard alcoolique habite tout seul dans une chaumière isolée, qui ont fait croire à la combustion spontanée des ivrognes; on accusait l'alcool d'avoir facilité la combustion de tissus peu inflammables par eux-mêmes.
Comment les ivrognes " brûlent".
En réalité, voilà d'ordinaire comment les choses se passent: un vieil ivrogne est assis au coin du feu ou à côté de la table qui porte une lampe; il est seul à la maison, pour une raison ou pour une autre, et en profite pour se livrer à sa passion favorite; aussi, la bouteille d'eau de vie est à portée; peu à peu, le bonhomme s'assoupit, le cerveau troublé; et maintenant, qu'il roule jusqu'au foyer ou qu'il renverse la lampe par un mouvement inconscient, voici la flamme qui gagne ses vêtements. Grâce à l'abrutissement de l'ivresse, grâce au sommeil, grâce surtout à l'insensibilité si fréquente chez les buveurs, le feu gagne, la peau rôtit, noircit, se rétracte, éclate et, par les fissures produites, la graisse, qui existe toujours plus ou moins abondante entre le derme et les muscles, la graisse fond, coule et s'enflamme, elle, avec une déplorable facilité. Si aucun secours n'arrive, et si le blessé est lui-même incapable de tout effort, c'en est fait.
Voici la combustion "spontanée" amorcée, elle va poursuivre lentement et sûrement son oeuvre jusqu'à ce que toute la graisse du corps ait brûlé en grésillant, avec une affreuse odeur.
Et plus tard, on retrouvera un cadavre affreusement défiguré, complètement carbonisé, tout comme s'il avait séjourné longtemps au milieu du brasier d'un vaste incendie: cependant tout est intact autour de la victime, rien n'est brûlé dans la chambre; et on s'écrit comme oraison funèbre:
"Le père Machin buvait trop; il s'est allumé comme une mèche de lampe !"
On sait maintenant que l'alcool n'a rien à voir là-dedans, quoique les alcooliques plus que tous les autres soient exposés à la combustion spontanée, on a vu pourquoi plus haut. Ajoutons que, justement, les vieux alcooliques sont souvent forts gras, pour leur malheur.
Le "grisou alcoolique".
Il y a d'autres faits qui se rapprochent de celui-ci, mais où l'alcool joue un rôle plus direct; il peut arriver dans certains cas que les vapeurs émanées des boissons contenues dans l'estomac s'enflamment au niveau des lèvres, et alors se produit une explosion, un véritable coup de grisou.
On cite le cas d'un ouvrier de Glascow, qui après un déjeuné bien arrosé, allumait paisiblement sa pipe: soudain, une détonation retentit, une flamme bleue jaillit entre les lèvres du malheureux qui est projeté sous la table. Il revint à lui avec d'atroces brûlures à la bouche.
C'est ce qu'on peut appeler une explosion dans un estomac ( à rapprocher de la célèbre "tempête sous un crâne"!)
Dr André.
Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 21 décembre 1902.
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