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samedi 31 août 2013

Abstinence.

Abstinence.

La loi de l'abstinence oblige sous peine de péché mortel tous ceux qui ont atteint l'âge de discrétion, à moins que des raisons légitimes ou la dispense de leurs supérieurs ne les exemptent, de s'abstenir d'aliments gras les vendredis, samedis et certains jours du Carème et de l'année.
Les jours où le gras était prohibé, en avez-vous mangé plusieurs fois par jour sans nécessité ? Autant de fois, autant de péchés mortels, si vous avez mis une interruption morale entre chaque reprise, et si vous en avez mangé en une assez grande quantité. Le légéreté de matière peut faire ici et fait souvent qu'il n'y a pas péché mortel. "Par exemple,  il nous paraît, dit monseigneur Gousset, que celui qui mangerait une portion ordinaire d'un plat de jardinage ou de légumes assaisonnés au lard ou à la graisse, s'il n'en mangeait qu'une fois dans la journée, ne pécherait que véniellement. Il en serait de même, à notre avis, pour celui qui mangerait de la soupe grasse; mais s'il en mangeait deux ou trois fois par jour, ou s'il mangeait de plusieurs mets préparés au gras, le péché pourrait facilement devenir mortel; car plusieurs matières réunies, quelques légères qu'elles soient,  peuvent former une matière grave." Il est assez difficile de déterminer la quantité de matière qui rend mortelle la violation contre ce commandement; saint Liguori, les docteurs de Salamanque disent que celui qui ne mangerait que la huitième partie d'une once de viande ne ferait qu'un péché véniel, d'autres sont encore moins sévères.
Comme dans quelques diocèses, on mange de la viande certains samedis de l'année, on demande si la défense est la même pour le samedi comme pour le vendredi ?
L'abstinence de la viande le samedi n'était que de conseil, même à Rome, jusqu'au onzième siècle. Dès lors dans l'Occident et dans la plupart des diocèses, elle est devenue par la coutume d'obligations, comme pour le vendredi. Cependant en France, dans queques diocèses, il est permis d'user d'aliments gras le samedi entre Noël et la purification de la sainte Vierge.
Dans plusieurs provinces d'Espagne, il s'était établi une coutume dont on devinerait difficilement l'origine; on s'abstenait le samedi de la viande en général, mais il était permis de manger les extrémités des animaux: des pieds, des ailes, de la tête, du cou. A la demande de Philippe V, roi d'Espagne, Benoit XIV permit aux royaumes de Castille, de Léon et des Indes, d'user de toutes les parties des animaux les samedis où le jeune ne serait pas prescrit.
Chez les catholiques grecs l'usage des aliments gras est permis tous les samedis hors le temps du Carême. En Carême, ils s'abstiennent d'aliments gras, mais ils ne jeûnent pas le samedi, si ce n'est le samedi saint.
Dans les lieux où la coutume a acquis force de loi,  il y a péché d'user d'aliments gras les samedis et même les mercredis des quatre-temps, autant, disons-le, que le vendredi saint, à moins qu'il n'y ait du scandale, ou du mépris pour le mystère que nous rappelle ce grand jour. Pourquoi ? parce que c'est la même autorité qui commande.
Avez-vous mangé gras les jours défendus, sous le vain prétexte que vous étiez en voyage, chez les autres et qu'on ne vous présentait que du gras ?
Vous avez péché mortellement, à moins que le maigre ne vous nuise quand vous voyagez. Chez les autres, de quelle religion êtes-vous ? Etes-vous juifs, mahométans ? On ne vous a présenté que du gras. On conçoit que si vous étiez dans le besoin et que vous ne pussiez vous procurer d'autres aliments pour vous soutenir, une telle nécessité serait une raison plausible de manger ce qu'on vous présenterait; mais cette nécessité est rare. Les bourreaux de l'infortuné Louis XVI ne lui servirent que du gras un vendredi; le vertueux roi prit un verre d'eau, y trempa un peu de pain et dit: Voilà tout mon diner.
Pour vous enhardir, ou enhardir les autres à violer la loi de l'abstinence, avez-vous dit: Ce n'est pas ce qui entre dans la bouche qui souille l'âme, mais c'est la révolte contre une autorité légitime?
Avez-vous dit pour vous excuser de votre transgression: Je suis en compagnie, à un repas où chacun fait gras; que dirait-on de moi, si je ne faisais pas commes les autres ? on se moquerait de moi.
Plus il y a de monde dans votre compagnie, plus le péché est grave, parce qu'il y a plus de scandale. Un célèbre médecin, grand naturaliste et non moins pieux que savant, fut invité à diner chez M. de Buffon. Des hommes encore plus fameux par leur incrédulité que par leur savoir, se trouvèrent au repas. C'était un vendredi, et le maître d'hôtel, qui avait peut être oublié que c'était un jour d'abstinence, ne mit sur la table au premier service que du gras. Le docteur chrétien ne mangeait pas, il était bien résolu à attendre jusqu'au moment où l'on servirait le dessert. La plupart des convives s'en aperçurent et plusieurs ne savaient à quoi en attribuer la cause. Parmi ceux qui la devinèrent, fut Diderot, connu pour sa haine contre le christianisme. Il fit cette question au docteur: M. le docteur, pourquoi ne mangez-vous pas ? Et il ajouta aussitôt: serait-ce parce que c'est aujourd'hui vendredi et que vous ne voyez ici que du gras ? Le médecin religieux répondit: Oui, monsieur, et je suis bien convaincu que les aliments gras sont très nuisibles tous les jours où l'Eglise les défend. M. de Buffon fit venir son maître d'hôtel, et lui ordonna de servir du maigre, ce qui fut fait.
Que dira-t-on de vous, si vous ne faites pas comme les autres ? On dira que vous êtes doué d'un noble caractère, et tel semblera vous railler, qui dira de vous intérieurement: Cet homme vaut mieux que moi, il a plus de fermeté que moi.
Ne vous-êtes vous pas fait dispenser de l'abstinence sans raisons suffisantes ? Si elles vous paraissaient bonnes, et que vous les eussiez exposées sincèrement, vous n'avez pas péché; la dispense est valide; mais si vos raisons ne sont pas vraies, et que vous les ayez exposées sans sincérité, votre dispense est nulle; vous ne pouvez pas en user; elle ne pouvait vous être accordée que pour des raisons graves. La plupart de celles qu'on allègue pour l'obtenir sont très suspectes, dit Mgr l'évèque de Belley, et n'ont de fondement que dans l'affaiblissement de la foi; néanmoins, c'est au pasteur de les apprécier, en observant qu'ils sont juges de ces raisons, qu'ils doivent les examiner comme pour tout autre dispense, et qu'ils ne peuvent pas dire d'une manière vague: je vous dispense si vous en avez besoin. Ceux qui obtiennent la permission de manger de la viande, ajoute ce pieux évèque, doivent compenser l'inobservation de ce précepte par quelque oeuvre de piété, et surtout par la prière et l'offrande la plus assidue de leur travail, s'ils sont pauvres; s'ils ont de la fortune, ils doivent ajouter l'aumône à la prière.
Quoiqu'on ait la permission pour soi on ne peut pas, en conscience, donner à manger en gras dans sa maison aux étrangers, à moins qu'on ne soit assuré qu'ils en ont besoin; on ne peux pas non plus manger gras au cabaret dans le lieu de sa résidence, à cause du scandale. Il nous semble que cette décision de monseigneur de Belley aurait besoin de quelque modification; si dans un cabaret même de sa paroisse, celui qui est dispensé, le disait hautement, le scandale aurait-il lieu ?
L'inconvénient d'apprêter deux sortes de mets, ainsi que la cherté des aliments maigres, ne sont pas, dit Benoit XIV, des causes suffisantes pour autoriser une famille à faire gras.
Les personnes dispensées du jeûne, ne le sont pas pour cela de l'abstinence; le jeûne et l'abstinence sont deux choses distinctement commandées, et selon Lessius et le commun des théologiens, la dispense de l'un n'entraîne pas la dispense de l'autre. Celui qui est dispensé de l'abstinence précisemment pour le Carème, ne l'est pas par là pour les vendredis et les samedis, même pendant le Carème. De même, celui qui a la permission de manger des aliments gras, ne peut pas pour cela en user à la collation.(Vernier, auteur de la théologie pratique)
Quand les motifs que l'on a pour se faire exempter de la loi sont évidents, incontestables, il n'est pas nécessaire de recourir à une dispense, surtout s'il est difficile de la demander.


Dictionnaire des cas de conscience, 1847.

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