Jules Massenet.
Si l'on croit une attendrissante légende, le pauvre petit Massenet, tout gringalet et déjà résolu à mettre la main sur la gloire, serait venu de sa province à Paris, à pied. On ne dit pas si c'est en sabots.
Depuis, comme l'enfant a fait encore plus de chemin, rien ne s'oppose à ce qu'il ait été, dès ses plus jeunes années, un fort marcheur, et la légende peut bien avoir raison.
Il travailla; il eut rapidement le prix de Rome, avec les prix de fugues et de piano, et en très peu de temps, il fut question de lui dans le monde des notes. Son gentil nom de Massenet, d'une grâce musicale et mièvre, devint un de ceux qui font hocher la tête au connaisseur, bavarder les femmes, et dire à tous avec mystère: "Hé, hé !"
C'est peut être, en effet, à cette époque initiale, qui n'est pas encore si lointaine, que Massenet réalisa le plus complètement, avec une précocité même un peu alarmante, les longs espoirs et les vastes pensées qui s'attachaient à sa naissante réputation.
Il vous est facile de vous représenter le jeune et séduisant ambitieux, déjà câlin, au printemps universel de sa carrière, printemps de ses désirs, de ses rêves, de son inspiration, de ses idées, de son adresse, printemps rose et lilas, d'une délicieuse et abondante floraison, sur lequel il fera même des économies pour l'avenir, prélevant une sage réserve, remplaçant cartons et tiroirs, plaçant déjà des opéras à la Caisse d'Epargne.
Un jour, dans un salon où je me trouvais, on discutait le Maître, très courtoisement d'ailleurs.
"Massenet, disaient les uns, c'est un roublard, un mandarin de l'orchestre, capable de faire tout ce qu'il veut, du Gounod, du Wagner, de l'Italien, tout!
- Non, affirmaient les autres, il n'est pas le compositeur ondoyant et divers que vous croyez. Méfiez-vous des gens à longs cheveux, d'apparence indécise, inquiète et hésitante; neuf fois sur dix vous serez avec eux le jouet d'une attitude; sous ses fluctuations se cache une volonté d'acier qui va droit où elle veut. S'il y a des roseaux peints en fer, il n'est pas moins vrai qu'il y a certaines tiges de fer qui parodient les roseaux. Massenet est un de ces faux souples."
Alors une jeune femme de beaucoup d'esprit et de beauté, amie et admiratrice de l'intéressé qui s'était tue jusque là, déclara: " Non, vous n'y êtes ni les uns, ni les autres. Massenet, c'est un fleuriste, tout bonnement. Il a de joli roses chez lui et il sait bien faire les bouquets."
Cette définition, qui rallia tous les suffrages, ne vous paraît-elle pas, dans sa simplicité, d'une heureuse justesse ?
Objectif.
Mon dimanche, revue populaire illustrée, 28 décembre 1902.
Depuis, comme l'enfant a fait encore plus de chemin, rien ne s'oppose à ce qu'il ait été, dès ses plus jeunes années, un fort marcheur, et la légende peut bien avoir raison.
Il travailla; il eut rapidement le prix de Rome, avec les prix de fugues et de piano, et en très peu de temps, il fut question de lui dans le monde des notes. Son gentil nom de Massenet, d'une grâce musicale et mièvre, devint un de ceux qui font hocher la tête au connaisseur, bavarder les femmes, et dire à tous avec mystère: "Hé, hé !"
C'est peut être, en effet, à cette époque initiale, qui n'est pas encore si lointaine, que Massenet réalisa le plus complètement, avec une précocité même un peu alarmante, les longs espoirs et les vastes pensées qui s'attachaient à sa naissante réputation.
Il vous est facile de vous représenter le jeune et séduisant ambitieux, déjà câlin, au printemps universel de sa carrière, printemps de ses désirs, de ses rêves, de son inspiration, de ses idées, de son adresse, printemps rose et lilas, d'une délicieuse et abondante floraison, sur lequel il fera même des économies pour l'avenir, prélevant une sage réserve, remplaçant cartons et tiroirs, plaçant déjà des opéras à la Caisse d'Epargne.
Un jour, dans un salon où je me trouvais, on discutait le Maître, très courtoisement d'ailleurs.
"Massenet, disaient les uns, c'est un roublard, un mandarin de l'orchestre, capable de faire tout ce qu'il veut, du Gounod, du Wagner, de l'Italien, tout!
- Non, affirmaient les autres, il n'est pas le compositeur ondoyant et divers que vous croyez. Méfiez-vous des gens à longs cheveux, d'apparence indécise, inquiète et hésitante; neuf fois sur dix vous serez avec eux le jouet d'une attitude; sous ses fluctuations se cache une volonté d'acier qui va droit où elle veut. S'il y a des roseaux peints en fer, il n'est pas moins vrai qu'il y a certaines tiges de fer qui parodient les roseaux. Massenet est un de ces faux souples."
Alors une jeune femme de beaucoup d'esprit et de beauté, amie et admiratrice de l'intéressé qui s'était tue jusque là, déclara: " Non, vous n'y êtes ni les uns, ni les autres. Massenet, c'est un fleuriste, tout bonnement. Il a de joli roses chez lui et il sait bien faire les bouquets."
Cette définition, qui rallia tous les suffrages, ne vous paraît-elle pas, dans sa simplicité, d'une heureuse justesse ?
Objectif.
Mon dimanche, revue populaire illustrée, 28 décembre 1902.
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