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lundi 26 août 2013

L'armée de nos alliés.

L'armée de nos alliés.

C'est le 10 juin 1895 que M. Hanotaux, ministre des Affaires Etrangères, prononça pour la première fois en parlant de la Russie, le grand mot d'alliance, et, M. Ribot, président du conseil, ajouta:
- Oui, nous avons allié aux intérêts d'une grande nation les intérêts de la France. Nous l'avons fait pour la sauvegarde de la paix...et l'équilibre de l'Europe.
Depuis huit ans bientôt cette alliance n'a fait que s'affirmer davantage en d'éclatantes manifestations. La politique extérieure des deux pays est conduite conformément à leurs intérêts réciproques. Une réelle sympathie existe entre eux et déjà, dans la campagne de Chine, les nouveaux frères d'armes, soldats russes et soldats français, ont combattu côte à côte.
Le monde comprend aujourd'hui toute la portée de ce mot: Sauvegarde de la paix en Europe, dont parlait le ministre.

L'éloquence des chiffres.

Quelle formidable puissance armée, en effet, la double alliance ou Duplice, comme on l'appelle, peut opposer à la Triplice austro-italo-allemande.
En temps de paix, il y a en Russie 1.100.000 hommes en armes et en France 613.000, soit ensemble un million 713.000. En face d'eux, 621.000 Allemands, 235.000 Italiens et 372.000 Autrichiens, soir seulement 1.228.628*.
En temps de guerre, de part et d'autre les chiffres grossissent: environ 4.500.000 Russes s'uniraient à 2 millions de Français, soit 6.500.000 contre 3 millions d'Allemands, 1 million 1/2 d'Autrichiens et 1 million d'Italiens, soit 5 1/2 millions.

Une armée moderne.

Comment est organisée et que vaut cette armée Russe, soeur de la nôtre ?
C'est le tzar pierre le Grand qui, à la suite de guerres malheureuses avec la Suède, créa de toute pièce une armée régulière pour son pays.
Les grandes guerres de Napoléon où cette armée, ennemie alors, eut un role brillant, de continuelles et difficiles luttes en Orient, l'expédition de Crimée enfin, montrèrent ce que valait cette armée nouvelle, admirable au feu et d'une extraordinaire endurance.


Mais c'est depuis quelques années surtout que, réorganisée suivant les méthodes modernes, pratiquement équipée et excellemment armée, elle est devenue le facteur le plus important de l'équilibre européen.
Par ses effectifs elle est, de beaucoup, la plus nombreuse armée du monde.
Vingt-cinq corps d'armée se trouvent réparties sur les immenses territoires de la Russie. La loi de recrutement en vigueur permettrait de mobiliser en cas de guerre 22 classes de 750.000 soldats chacune, c'est à dire une masse de 16 millions d'hommes. Il s'en faut que cette immense armée soit immédiatement instruite et mobilisable, mais on peut admettre que 4 millions 1/2 de soldats environ pourraient entrer en campagne, répartis en 1854 bataillons d'infanterie et 1302 escadrons de cavalerie, emmenant 150.000 chevaux et 5.388 canons, armés depuis 1891 d'un excellent fusil à répétition Nagant Mosin, de 7mm, 62.

Un mois pour jeter à la frontière 4 millions d'hommes.

Sans doute l'immensité de l'empire Russe offre une très grande difficulté pour réunir en peu de temps le nombre de troupes nécessaires sur le point décisif.
Mais le réseau de chemins de fer se complète tous les jours.
A Kiew et à Varsovie il y a, de façon permanente, assez de troupes pour contenir un certain temps un effort allemand et autrichien. En 8 jours, une seconde armée de 300.000 hommes les renforcerait.
Avant un mois, un million de soldats serait porté sur le point envahi. En 35 jours, la mobilisation des 4 millions 1/2 d'hommes serait complète.
Un seul chef pour toute cette multitude: le tzar, commandant suprème et absolu, qui ne doit compte de ses actes à personne qu'à Dieu.

Les obligations du soldat russe.

Tout Russe doit le service militaire de 21 à 43 ans.
En principe, il reste 5 ans sous les drapeaux; mais un grand nombre de jeunes gens sont libérés après 4, 3, 2 et même 1 an, suivant leur instruction.



De leur 5e à leur 18e année de service, ils passent dans la réserve, de la 18e à la dernière dans la milice. Mais ils n'ont aucune période d'instruction.
Un corps spécial, les cosaques, forment l'élite de cette armée. fournis par les populations frontalières, tartares surtout, ils appartiennent 12 ans à l'armée active, divisés en 3 tours de 4 ans.



Pendant le premier, ils sont au régiment, pendant le second ils sont dans leurs foyers, mais munis de leurs armes, de leurs effet et de leur monture. Pendant le troisième, ils ne gardent que les armes.

Comment on fait de bons soldats.

La vie des soldats russes est rude. Une sévère discipline, de nombreux et fatiguants exercices les assouplissent. A peine la belle saison est-elle commencée, qu'ils quittent les villes pour les camps d'instruction. Les longs jours d'hiver leur interdisent tout travail extérieur. C'est tout profit pour l'éducation morale, particulièrement développée dans l'armée russe.



Des officiers généraux, des plus distingués, aujourd'hui célèbres, comme Kouropatkine, Sakharoff, Dragomirow, surtout, se sont appliqués à cette éducation.
Le soldat russe ignore les façons de manger du soldat français. Il vit de soupe aux choux fermentés, de soupe à la betterave, de boeuf et de poisson, qu'il accompagne de thé.
Sa nature diffère de son camarade. Il est froid et lent, mais tenace.

Les cadres.

Un cadre excellent d'officiers commande à ces hommes. Ils proviennent de quatre origines distinctes: le corps des pages de l'empereur, 6 écoles militaires dont 3 d'infanterie, 7 écoles de Yonkers , analogue à nos écoles de sous-officiers, et les officiers qui sortent du rang.
Quatre académies militaires leur donnent l'enseignement supérieur.
89 % de ces officiers sont nobles, 11 % fils de bourgeois ou gens du peuple.
L'officier russe aime à se méler à la vie de ses soldats? C'est, d'ordinaire, un travailleur acharné qui s'informe de ce qu'on fait au delà des frontières et se tient au courant de tous les progrès.
Un brillant état-major, où les princes de la maison impériale tiennent une large place, mais où l'on exige de chaque officier une instruction et une valeur personnelle considérables, dirige admirablement cette immense armée.

*Nota de Célestin Mira, moine copiste: J'ignore d'ou proviennent les 628 soldats en plus!

Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 18 janvier 1903.

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