Perdrix et chasseurs.
Il paraît que je ne dois pas avoir deux poids deux mesures et qu'ayant appris aux perdrix et aux tourterelles comment elles pouvaient reconnaître les différentes variétés de chasseurs, il faut maintenant donner à ces derniers quelques indications sur les perdrix.
En principe, toutes les perdrix, c'est à dire toute les jeunes filles à marier, sont parfaites et, vraiment, si je ne craignais la vulgarité de l'expression, je dirais qu'on peut tirer dans le tas.
Mais la perfection a des variétés, et chaque variété a ses fervents. Il y a des hommes qui recherchent la femme de cerveau défriché et d'intelligence alerte pour en faire la collaboratrice de leur vie studieuse et active; d'autres qui préfèrent la jolie sirène de salon. Ceux-ci sont désireux de la parfaite ménagère; ceux-là de l'ange résigné qui les supportera. D'autres aperçoivent la femme de leurs rêves sous les espèces d'un ruban qui vole, d'une fleur qui parfume, d'un rire qui s'égrène; les poètes songent à la flamme qui brûle en dedans, au nuage qui fuit, à l'oiseau qui chante; le bon bourgeois à la confiture cuite à point et au rôti que jamais ne remplacera un conte. Car il y a mille façon de souhaiter sa femme; tous les goûts sont dans la nature et parfois même le meilleur est celui que l'on n'a pas.
Mille façons et cependant on peut, je crois, ramener tous ces rêves masculins à quatre types principaux.
Vers ce bénitier s'avance une main fine quoique très grasse et potelée. Les doigts sont lisses, c'est à dire sans nœuds; les ongles roses et bombés; le pouce pointu et sa première phalange ou phalange onglée, assez courte. Main très jolie aux doigts fuselés et retroussés du bout. Le bénitier en reçoit très souvent la fluidique caresse, car sa propriétaire est d'esprit tendre et mystique, d'âme pieuse, de conscience hésitante, de cœur résigné. Et tous ces dons, qui font tant souffrir sur terre, s'épanouissent volontiers au pied des autels comme arôme de lis ou parfum d'encens.
Chasseurs qui rêvez de la tourterelle inoffensive et toujours bénissante, de l'être calme et doux qui pardonne et attend, demandez l'adresse de cette main au bénitier.
Voici à cette table, bureau coquet ou pupitre pratique, une petite main jolie aussi mais aux doigts un peu carrés et plus courts que la paume. Les ongles en sont roses et bien faits sans avoir toutefois cette forme exacte de l'amande si prisée dans les formulaires de beauté. La première phalange du pouce, celle de l'ongle est aussi plus courte que la seconde, mais elle est forte et l'ongle en est un peu large. Les doigts sont plutôt lisses, c'est à dire que les nœuds des phalanges sont peu apparents, mais la phalange onglée porte, en haut, des deux côtés de l'ongle, un petit renflement bien caractéristique.
C'est la main d'étude et de logique. Sa propriétaire est une vaillante volontaire, combative, responsable, chef de famille au besoin, admirable éducatrice, de cœur très doux et de cerveau fort.
Si vous avez des prétentions à l'omnipotence masculine, Monsieur, ne prenez pas cette main là. Vous la jalouseriez, la rendiez malheureuse et, l'empêchant de rendre son plein d'intelligence dans l'utilité, vous nuiriez à ceux dont elle a pris la charge.
Etes-vous très amateur d'économie outrancière; tenez-vous à un intérieur admirablement peigné; avez-vous peu d'argent à mettre dans la main qui va conduire votre maison? Voilà votre affaire. Regardez cette main de cendrillon qui tient un plumeau. Elle est assez grande, plate, plutôt maigre, et les doigts plus ou moins noueux sont toujours sensiblement plus longs que la paume. Les ongles sont petits, carrés et peu résistants. Avec une main pareille, vous n'aurez jamais un grain de poussière dans votre appartement ni une tâche sur vos habits. La prévoyance interviendra toujours dans la répartition de vos ressources.
A tant de qualités, il faut bien le revers de quelques petits défauts: cette main là manque assez souvent de sensibilité extérieure et d'indulgence. Elle sème peu de fleurs sur le devoir.
Mais non; vous êtes mondain et préférez la compagne charmeuse, celle que tous vous envieront, qui sourit toujours, se pare sans cesse, est constamment charmante, ce qui fait oublier qu'elle se sacrifie rarement?
C'est facile: là voilà; elle est précisément occupée à se confectionner un chapeau, le quinzième de la saison. Et quel petit air sérieux et convaincu elle vous a en chiffonnant rubans et tulle! Plaire est son grand souci.
Elle a une caractéristique en physiologie, cette main-là: son étroitesse. La ligne partant du bord interne de la main sous la naissance de l'index et se terminant au bord extérieur sous la racine du petit doigt, apparaît très courte pour la grandeur de la main qui, sans être grande, semble, par cela même, un peu longue, disposition qui, d'ailleurs, lui donne un grand cachet d'élégance.
Et maintenant, chasseurs de dot ou de... bonheur, à l'affût.
Georges de Beauchamp.
Les Veillées des Chaumières, 27 novembre 1901.
Chasseurs qui rêvez de la tourterelle inoffensive et toujours bénissante, de l'être calme et doux qui pardonne et attend, demandez l'adresse de cette main au bénitier.
Voici à cette table, bureau coquet ou pupitre pratique, une petite main jolie aussi mais aux doigts un peu carrés et plus courts que la paume. Les ongles en sont roses et bien faits sans avoir toutefois cette forme exacte de l'amande si prisée dans les formulaires de beauté. La première phalange du pouce, celle de l'ongle est aussi plus courte que la seconde, mais elle est forte et l'ongle en est un peu large. Les doigts sont plutôt lisses, c'est à dire que les nœuds des phalanges sont peu apparents, mais la phalange onglée porte, en haut, des deux côtés de l'ongle, un petit renflement bien caractéristique.
C'est la main d'étude et de logique. Sa propriétaire est une vaillante volontaire, combative, responsable, chef de famille au besoin, admirable éducatrice, de cœur très doux et de cerveau fort.
Si vous avez des prétentions à l'omnipotence masculine, Monsieur, ne prenez pas cette main là. Vous la jalouseriez, la rendiez malheureuse et, l'empêchant de rendre son plein d'intelligence dans l'utilité, vous nuiriez à ceux dont elle a pris la charge.
Etes-vous très amateur d'économie outrancière; tenez-vous à un intérieur admirablement peigné; avez-vous peu d'argent à mettre dans la main qui va conduire votre maison? Voilà votre affaire. Regardez cette main de cendrillon qui tient un plumeau. Elle est assez grande, plate, plutôt maigre, et les doigts plus ou moins noueux sont toujours sensiblement plus longs que la paume. Les ongles sont petits, carrés et peu résistants. Avec une main pareille, vous n'aurez jamais un grain de poussière dans votre appartement ni une tâche sur vos habits. La prévoyance interviendra toujours dans la répartition de vos ressources.
A tant de qualités, il faut bien le revers de quelques petits défauts: cette main là manque assez souvent de sensibilité extérieure et d'indulgence. Elle sème peu de fleurs sur le devoir.
Mais non; vous êtes mondain et préférez la compagne charmeuse, celle que tous vous envieront, qui sourit toujours, se pare sans cesse, est constamment charmante, ce qui fait oublier qu'elle se sacrifie rarement?
C'est facile: là voilà; elle est précisément occupée à se confectionner un chapeau, le quinzième de la saison. Et quel petit air sérieux et convaincu elle vous a en chiffonnant rubans et tulle! Plaire est son grand souci.
Elle a une caractéristique en physiologie, cette main-là: son étroitesse. La ligne partant du bord interne de la main sous la naissance de l'index et se terminant au bord extérieur sous la racine du petit doigt, apparaît très courte pour la grandeur de la main qui, sans être grande, semble, par cela même, un peu longue, disposition qui, d'ailleurs, lui donne un grand cachet d'élégance.
Et maintenant, chasseurs de dot ou de... bonheur, à l'affût.
Georges de Beauchamp.
Les Veillées des Chaumières, 27 novembre 1901.
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