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mercredi 9 novembre 2016

Le château de Montmélas-Saint-Sorlin.

Le château de Montmélas-Saint-Sorlin.
                (Département du Rhône.)



La France est vraiment inépuisable en sites, en monuments, en souvenirs. En vain les intérêts successifs et changeant qui régissent la vie des hommes ont à l'envi supprimé les forêts, abaissé les montagnes, rasé les édifices, il en reste encore assez pour lasser la plume et le crayon. Ce recueil, qui a déjà dépassé la moyenne de la vie humaine, deviendra centenaire avant d'avoir épuisé notre trésor national de curiosités naturelles ou historiques.
Voici un château, de forme ancienne et d'aspect rajeuni, qui se présente fort bien, carrément assis dans son enceinte de tours crénelées sur sa haute colline, et dominant de son donjon l'une des mille vallées du Beaujolais.




A ses pieds, le petit village de Montmélas-Saint-Sorlin mêle à l'eau claire que lui fournit la source d'un petit affluent de la Saône les flots autrement généreux d'un vin agréable et léger; il y a quelques centaines d'êtres paisibles qui végètent obscurément entre leurs menues cultures et le marché de Villefranche, autrefois petite capitale, aujourd'hui simple chef-lieu, comme qui dirait sous-officier dans la grande armée départementale. Et si ces braves gens songent parfois au châtelain, c'est à l'occasion sans doute de quelques bonnes œuvres, de quelques secours apportés à leurs malades et à leurs indigents; ils ne tremblent plus à l'approche du seigneur, ils ne redoutent plus le logement des gens de guerre et les avanies féodales, les caprices de la haute et basse justice, les fantaisies de la taille et de la corvée. Peut-être même ont-ils oublié le nom de leurs anciens maîtres, les rudes sires de Beaujeu, ces Guichard, ces Onfroi, ces Edouard, descendus des contes de Flandres, qui jetaient par les fenêtres les gens de la justice royale; tout au plus se rappellent-ils la famille de Bourbon, qui régna sur eux du quatorzième siècle au seizième siècle: Pierre, le gendre de Louis XI, et Anne, la grande dame de Beaujeu, régente de France sous Charles VIII; puis le fameux connétable, qui trahit son pays et périt dans Rome saccagée par ses bandits. Tous ces fameux personnages se sont succédé dans ce château, et l'on peut croire que Louis XI, dont Commines mentionne les voyages à Beaujeu, s'y arrêta dans les dernières années de sa vie.
Qu'est devenu Montmélas depuis le seizième siècle? Le baron des Adrets, ce Montluc calviniste, l'a-t-il dévasté durant les guerres de religion? Le Saint-Sorlin dont parle, je crois, Boileau, et qui fit quelque figure au dix-septième siècle, en a-t-il habité les ruines? Ce sont là menus problèmes qu'à résolus peut-être quelque Beaujolais érudit. Nous avons vainement cherché une de ces monographies si utiles à l'histoire générale et qui élucident peu à peu tant de questions obscures. C'est là que trouveraient leur place de savantes dissertations sur les primitifs habitants du sol, sur les terminaisons en as si fréquentes aux environs, Odenas, Saint-Juliennas, Arnas, Fontenas, Avenas, sur les vicissitudes éprouvées par le château, le fief et la propriété. Nous devons ici nous contenter de conjectures et nous en tenir à la vraisemblance.
Montmélas, récemment reconstruit dans le goût de la première renaissance, avec ce soin archaïque qui distinguent les architectes de nos jours, appartient aujourd'hui à M. le marquis de Tournon.

Le Magasin pittoresque, septembre 1870.

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