Industrie parisienne des bijoux doublés.
Tous les peuples civilisés de l'Antiquité connurent l'art de la bijouterie. Les Égyptiens et les grecs nous ont laissé en particulier des anneaux et des boucles d'oreilles dont s'inspirent encore nos artistes pour la création de leurs modèles. Les premiers orfèvres ciselèrent des bijoux massifs. Mais vu la rareté de l'or ou de l'argent, leurs successeurs s'ingénièrent à économiser le plus possible leur emploi. Ainsi les Romains pratiquaient déjà le doublage des vases par l'argent.
De leur côté, les Maures et les Mexicains fabriquaient des bijoux filigranés, c'est à dire en fils d'or ou d'argent, avant la conquête de leur pays par les Espagnols et, depuis un temps immémorable, les Chinois réalisent de la sorte des bijoux d'une rare légèreté bien que parfois d'un goût douteux.
Aujourd'hui, on fabrique en doublé des bagues, des broches, des pendentifs, des bracelets, des épingles de cravates, des boutons, des médailles et autres objet de parure qui concilient deux besoins assez difficile à satisfaire ensemble: le luxe et l'économie. Ces bijoux se travaillent comme des pièces en or plein; ils en possèdent l'apparence et la solidité, mais coûtent infiniment moins cher. Notons, de suite, qu'il ne faut pas confondre le plaqué avec le doublé. Doubler un métal d'un autre métal, c'est souder le premier au second à l'aide d'un alliage fusible, tandis que plaquer c'est forcer les deux métaux à adhérer, grâce à des méthodes mécaniques et à une température rouge sombre, sans recourir cependant à aucune fusion.
Qu'il s'agisse de plaqués en argent, en or ou en platine, le bijoutier opère sur des plaques de cuivre rouge très pur, qu'il reçoit d'usines spéciales sous forme de lames rectangulaires épaisses d'environ 3 cm et pesant chacun 10 kilogrammes. On gratte ces plaques afin d'en nettoyer parfaitement la surface, puis on les lamine une première fois et on les soumet à un second grattage. Après quoi, on prend une feuille de métal précieux, plus ou moins pesante, selon la nature du plaqué que l'on veut avoir. On porte ensuite au four les deux métaux superposés et liés ensemble par un fil de fer.
De là, on les envoie au laminoir, en renouvelant cette succession d'opérations un certain nombre de fois. Dès que les plaques sont pourvues de leur revêtement en argent, or ou platine à l'épaisseur requise, on les met en oeuvre par les procédés généraux de l'orfèvrerie: le travail au marteau ou plus généralement l'estampage au balancier et le repoussoir au tour.
Les boutons pour cols et manchettes exigent, en particulier, un outillage complexe et d'une grande précision. Chez M. Delion où les photographies ci-dessous ont été prises, on perfore les lames métalliques, soit à l'aide de découpoirs, fonctionnant à la main, soit au moyen d'un découpoir excentrique mû par la vapeur. Les ouvrières découpeuses acquièrent une merveilleuse dextérité. Elles arrivent à produire couramment le chiffre invraisemblable de 6.000 pièces à l'heure, ce qui représente 100 coups de balanciers à la minute.
Le découpoir excentrique travaille encore plus rapidement. Il abat 440 pièces à la minute avec ses deux poinçons, soit 26.400 pièces à l'heure. Cette énorme production n'exige, du reste, aucun effort de la part de l'ouvrier. Celui-ci se contente de présenter les bandes de matière qui avancent automatiquement sous l'impulsion de deux rouleaux d'acier. Certains modèles de cette machine comportent jusqu'à 10 poinçons et peuvent découper 132.000 pièces en une heure!
D'un coup de balancier, les estampeuses donnent également le relief aux coquilles découpées de façon à imiter la ciselure des bijoux massifs. Elles les placent ensuite dans un récipient rempli d'eau pour éviter que l'air ne les altère et les brunisseuses s'en emparent alors. Elles les prennent une à une, les fixent sur le mandrin d'un tour qui épouse exactement leur forme et les brunissent au moyen d'une pierre spéciale. Aussitôt les pièces brunies, on les "sapone", c'est à dire qu'on les enduit d'un vernis (fig. 1), puis disposées sur de petites grilles ad hoc, elles passent à l'étuve pour le séchage.
Elles conservent alors indéfiniment l'éclat que leur a donné le brunissage, le vernis préservateur les rendant inaltérables à l'air.
D'autres ouvrières mettent dans les coquilles séchées, le carton, les ressorts, le patin, etc., et placent le tout sur des planches en bois appelées "parquets". Le sertisseur prend chacune des pièces ainsi préparées, la pose sur son tour, et, d'un léger coup de virolet, il rabat la matière qui emprisonnent les pièces placées tout à l'heure dans la coquille. le bouton n'a plus qu'à être encarté pour la vente.
Quand au bijoux doublés, leur assemblage, en général, s'effectue comme celui des objets d'orfèvrerie pleine. L'ouvrier dispose des paillons de soudures aux endroits voulus de la broche ou de la bague dont il est chargé d'assembler les parties, puis, à l'aide d'un chalumeau, il les fait fondre sans rien déranger. C'est un travail des plus délicats.
Les bijoux doublés, une fois soudés, sont décrochés dans "l'eau seconde" (acide sulfurique hydraté), puis vont à l'atelier de polissage (fig. 2).
Là des ouvrières coiffées d'un bonnet destiné à préserver leurs cheveux des poussières qui voltigent autour d'elles, les présentent à des brosses circulaires, mues par la vapeur et tournant à environ 1.300 tours à la minute. Ces brosses sont enduites d'un coaltar appelé rouge à polir. Le métal brut ne tarde pas à prendre un aspect brillant. Toutefois il faut encore savonner le bijou pour enlever la couche onctueuse dont il s'est revêtu au cours du polissage, puis le sécher à la sciure de bois très fine. Il ne restera plus qu'à y sertir des pierres ou des perles pour le terminer complètement.
Jacques Boyer.
La Nature, deuxième semestre 1907.
Qu'il s'agisse de plaqués en argent, en or ou en platine, le bijoutier opère sur des plaques de cuivre rouge très pur, qu'il reçoit d'usines spéciales sous forme de lames rectangulaires épaisses d'environ 3 cm et pesant chacun 10 kilogrammes. On gratte ces plaques afin d'en nettoyer parfaitement la surface, puis on les lamine une première fois et on les soumet à un second grattage. Après quoi, on prend une feuille de métal précieux, plus ou moins pesante, selon la nature du plaqué que l'on veut avoir. On porte ensuite au four les deux métaux superposés et liés ensemble par un fil de fer.
De là, on les envoie au laminoir, en renouvelant cette succession d'opérations un certain nombre de fois. Dès que les plaques sont pourvues de leur revêtement en argent, or ou platine à l'épaisseur requise, on les met en oeuvre par les procédés généraux de l'orfèvrerie: le travail au marteau ou plus généralement l'estampage au balancier et le repoussoir au tour.
Les boutons pour cols et manchettes exigent, en particulier, un outillage complexe et d'une grande précision. Chez M. Delion où les photographies ci-dessous ont été prises, on perfore les lames métalliques, soit à l'aide de découpoirs, fonctionnant à la main, soit au moyen d'un découpoir excentrique mû par la vapeur. Les ouvrières découpeuses acquièrent une merveilleuse dextérité. Elles arrivent à produire couramment le chiffre invraisemblable de 6.000 pièces à l'heure, ce qui représente 100 coups de balanciers à la minute.
Le découpoir excentrique travaille encore plus rapidement. Il abat 440 pièces à la minute avec ses deux poinçons, soit 26.400 pièces à l'heure. Cette énorme production n'exige, du reste, aucun effort de la part de l'ouvrier. Celui-ci se contente de présenter les bandes de matière qui avancent automatiquement sous l'impulsion de deux rouleaux d'acier. Certains modèles de cette machine comportent jusqu'à 10 poinçons et peuvent découper 132.000 pièces en une heure!
D'un coup de balancier, les estampeuses donnent également le relief aux coquilles découpées de façon à imiter la ciselure des bijoux massifs. Elles les placent ensuite dans un récipient rempli d'eau pour éviter que l'air ne les altère et les brunisseuses s'en emparent alors. Elles les prennent une à une, les fixent sur le mandrin d'un tour qui épouse exactement leur forme et les brunissent au moyen d'une pierre spéciale. Aussitôt les pièces brunies, on les "sapone", c'est à dire qu'on les enduit d'un vernis (fig. 1), puis disposées sur de petites grilles ad hoc, elles passent à l'étuve pour le séchage.
Elles conservent alors indéfiniment l'éclat que leur a donné le brunissage, le vernis préservateur les rendant inaltérables à l'air.
D'autres ouvrières mettent dans les coquilles séchées, le carton, les ressorts, le patin, etc., et placent le tout sur des planches en bois appelées "parquets". Le sertisseur prend chacune des pièces ainsi préparées, la pose sur son tour, et, d'un léger coup de virolet, il rabat la matière qui emprisonnent les pièces placées tout à l'heure dans la coquille. le bouton n'a plus qu'à être encarté pour la vente.
Quand au bijoux doublés, leur assemblage, en général, s'effectue comme celui des objets d'orfèvrerie pleine. L'ouvrier dispose des paillons de soudures aux endroits voulus de la broche ou de la bague dont il est chargé d'assembler les parties, puis, à l'aide d'un chalumeau, il les fait fondre sans rien déranger. C'est un travail des plus délicats.
Les bijoux doublés, une fois soudés, sont décrochés dans "l'eau seconde" (acide sulfurique hydraté), puis vont à l'atelier de polissage (fig. 2).
Là des ouvrières coiffées d'un bonnet destiné à préserver leurs cheveux des poussières qui voltigent autour d'elles, les présentent à des brosses circulaires, mues par la vapeur et tournant à environ 1.300 tours à la minute. Ces brosses sont enduites d'un coaltar appelé rouge à polir. Le métal brut ne tarde pas à prendre un aspect brillant. Toutefois il faut encore savonner le bijou pour enlever la couche onctueuse dont il s'est revêtu au cours du polissage, puis le sécher à la sciure de bois très fine. Il ne restera plus qu'à y sertir des pierres ou des perles pour le terminer complètement.
Jacques Boyer.
La Nature, deuxième semestre 1907.
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