La nouvelle rue de Rivoli.
Nous vivons dans un temps où les projets se produisent avec une exubérance et s'exécutent avec une rapidité qui tiennent du prodige; il ne faut cependant pas croire que tous ces projets soient entièrement neufs: il n'y a d'abord rien de nouveau sous le soleil, et bien des gens, qui se posent en créateurs ou en novateurs, ne sont au fond que les heureux et habiles metteurs en oeuvre d'idées patiemment étudiées par leurs prédécesseurs dans le silence du cabinet ou dans l'ombre des bureaux.
C'est ainsi que dès 1718 on avait proposé d'établir le long du jardin des Tuileries, pour aller de la place du Carrousel à la place Louis XV, une rue qui ne fut cependant exécutée que longtemps après le règne de Louis XVI, sur une portion des terrasses des religieuses de l'Assomption et sur l'emplacement de la salle des séances de la Constituante et de la Convention, rue qui reçut le nom de Rivoli, en mémoire de la bataille gagnée en ce lieu par les français sur les Autrichiens, le 14 janvier 1797; on avait même déjà compris, à cette époque, que cette nouvelle voie, loin de s'arrêter à la place du Carrousel, devrait s'étendre jusqu'à l'extrémité du palais du Louvre, pour se prolonger plus tard jusqu'à l'Hôtel de ville. Laissant donc de côté les prétentions à la création de cette large voie de communication, il ne reste plus qu'à admirer la rapidité qui a présidé à l'exécution des constructions nouvelles dont elle est bordée, et dont une partie, celle surtout pour laquelle on a abandonné le système des arcades, a changé toute la physionomie du quartier le plus anciennement commercial de Paris.
Aussi, à la place des gothiques devantures de boutiques aux vitres irisées et des vieilles salles basses où se trouvaient enfouies dans une humide obscurité les plus précieux produits issus de nos fabriques, voyons-nous aujourd'hui, à tous les étages inférieurs des maisons nouvelles, que distingue toujours une architecture variée sinon de bon goût, s'ouvrir des magasins élégamment décorés à l'extérieur, largement aérés à l'intérieur, où les marchandises s'étalent, s'alignent et brillent sous la lumière et le soleil. Ces heureuses modifications apportées aux habitudes des anciens négoces particuliers à ce quartier ont été bientôt suivies de l'établissement de diverses industries de luxe et de consommation qui jusque là s'étaient tenues à l'écart.
Un vaste magasin de nouveautés, empruntant son enseigne à la tour Saint-Jacques, s'est d'abord élevé comme par enchantement en face même des restes vénérables de ce monument qui se restaure d'après les projets d'un de nos plus habiles architectes archéologues;
grâce à l'activité de ses propriétaires et aux importants capitaux dont ils disposent, cet établissement peut déjà rivaliser avec les premières maisons des quartiers du centre aussi bien par la richesse et le goût de ses assortiments que par la modération de ses prix.
Une population compacte et affairée appelait nécessairement pour les hommes un bazar d'habillement, soit confectionnés par avance, soit exécutés sur mesure; à cette nécessité a répondu la création des importants magasins du Châtelet, dans lequel le bon marché n'exclut ni la grâce, ni la coupe, ni l'élégance de la façon, ni surtout la beauté et la qualité des étoffes.
Pour satisfaire des besoins plus sensuels, MM. Borel et Kohler, déjà possesseurs en Suisse, dans le canton de Vaud, de deux fabriques renommées de chocolat, établies l'une à Lausanne, l'autre à Sauvabelin, pressés par les nombreuses demandes qu'ils recevaient de France, viennent de fonder, à la porte de Paris, sur la route de Flandre, près d'Aubervilliers, une troisième fabrique, dans laquelle ils traitent le cacao par un procédé qui leur est particulier et qui en conserve tout l'arôme et la fraîcheur.
Le dépôt central de cette usine est depuis peu de jours ouvert au numéro 25 de la rue de Rivoli.
De son côté, l'entrepôt général de la Société hygiénique, par l'importance de son commerce en produits spéciaux de parfumerie, occupe dignement sa place au milieu ses établissements qui se sont crées dans la même rue. La vogue dont jouissent les savons, les pommades, le vinaigre, les dentifrices, etc., de la Société hygiénique est due aux soins apportés à leur fabrication, que surveillent des médecins et des chimistes distingués, et au choix intelligent et éclairé des substances odorantes qui entrent dans la préparation de tous les produits de la Société.
Un complément indispensable manquait à ce grand centre commercial; la Compagnie du chemin de fer de Lyon y a pourvu en ouvrant, au numéro 106 de la rue de Rivoli, un bureau-succursale, dans lequel elle reçoit les articles de messageries, les finances, les valeurs et les marchandises à petite vitesse en destination de ses gares et de toutes les localités desservies par ses correspondances; elle y fait aussi délivrer à l'avance des billets pour les trains de plaisir, ainsi que les renseignements les plus exacts sur tout ce qui concerne le service du parcours de son chemin de fer.
Nous poursuivrons, quand il y aura lieu, cette étude des transformations qui ne peuvent manquer de faire subir aux habitudes commerciales les changements auxquels paraissent devoir être successivement soumis tous les anciens quartiers de Paris.
G. F.
L'Illustration, journal universel, 28 octobre 1854.
Aussi, à la place des gothiques devantures de boutiques aux vitres irisées et des vieilles salles basses où se trouvaient enfouies dans une humide obscurité les plus précieux produits issus de nos fabriques, voyons-nous aujourd'hui, à tous les étages inférieurs des maisons nouvelles, que distingue toujours une architecture variée sinon de bon goût, s'ouvrir des magasins élégamment décorés à l'extérieur, largement aérés à l'intérieur, où les marchandises s'étalent, s'alignent et brillent sous la lumière et le soleil. Ces heureuses modifications apportées aux habitudes des anciens négoces particuliers à ce quartier ont été bientôt suivies de l'établissement de diverses industries de luxe et de consommation qui jusque là s'étaient tenues à l'écart.
La tour Saint-Jacques. |
Un vaste magasin de nouveautés, empruntant son enseigne à la tour Saint-Jacques, s'est d'abord élevé comme par enchantement en face même des restes vénérables de ce monument qui se restaure d'après les projets d'un de nos plus habiles architectes archéologues;
Magasin de nouveauté de la Tour Saint-Jacques. Vue extérieure. |
grâce à l'activité de ses propriétaires et aux importants capitaux dont ils disposent, cet établissement peut déjà rivaliser avec les premières maisons des quartiers du centre aussi bien par la richesse et le goût de ses assortiments que par la modération de ses prix.
Magasin de nouveautés de la Tour Saint-Jacques. Vue intérieure. |
Une population compacte et affairée appelait nécessairement pour les hommes un bazar d'habillement, soit confectionnés par avance, soit exécutés sur mesure; à cette nécessité a répondu la création des importants magasins du Châtelet, dans lequel le bon marché n'exclut ni la grâce, ni la coupe, ni l'élégance de la façon, ni surtout la beauté et la qualité des étoffes.
Magasins d'habillement confectionnés du Châtelet. |
Pour satisfaire des besoins plus sensuels, MM. Borel et Kohler, déjà possesseurs en Suisse, dans le canton de Vaud, de deux fabriques renommées de chocolat, établies l'une à Lausanne, l'autre à Sauvabelin, pressés par les nombreuses demandes qu'ils recevaient de France, viennent de fonder, à la porte de Paris, sur la route de Flandre, près d'Aubervilliers, une troisième fabrique, dans laquelle ils traitent le cacao par un procédé qui leur est particulier et qui en conserve tout l'arôme et la fraîcheur.
Dépôt de chocolat de la fabrique de MM. Borel et Kohler. |
Le dépôt central de cette usine est depuis peu de jours ouvert au numéro 25 de la rue de Rivoli.
Entrepôt central des parfumeries de la Société hygiénique. |
De son côté, l'entrepôt général de la Société hygiénique, par l'importance de son commerce en produits spéciaux de parfumerie, occupe dignement sa place au milieu ses établissements qui se sont crées dans la même rue. La vogue dont jouissent les savons, les pommades, le vinaigre, les dentifrices, etc., de la Société hygiénique est due aux soins apportés à leur fabrication, que surveillent des médecins et des chimistes distingués, et au choix intelligent et éclairé des substances odorantes qui entrent dans la préparation de tous les produits de la Société.
Bureau-succursale de la Compagnie du chemin de fer de Lyon. |
Un complément indispensable manquait à ce grand centre commercial; la Compagnie du chemin de fer de Lyon y a pourvu en ouvrant, au numéro 106 de la rue de Rivoli, un bureau-succursale, dans lequel elle reçoit les articles de messageries, les finances, les valeurs et les marchandises à petite vitesse en destination de ses gares et de toutes les localités desservies par ses correspondances; elle y fait aussi délivrer à l'avance des billets pour les trains de plaisir, ainsi que les renseignements les plus exacts sur tout ce qui concerne le service du parcours de son chemin de fer.
Nous poursuivrons, quand il y aura lieu, cette étude des transformations qui ne peuvent manquer de faire subir aux habitudes commerciales les changements auxquels paraissent devoir être successivement soumis tous les anciens quartiers de Paris.
G. F.
L'Illustration, journal universel, 28 octobre 1854.
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