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vendredi 8 avril 2016

Les fumeurs illustres.

Les fumeurs illustres.


Leurs caprices et leurs extravagances.

Berlin vient de perdre, avec la mort de Herr Grann, le fumeur le plus méthodique qu'il y ait jamais eu non seulement dans l'empire du Kaiser, mais encore dans le monde entier, car ce passionné du tabac fumait quotidiennement six pipes, six cigares et six cigarettes, ni une de plus, ni une de moins.
Le seul jour où il enfreignait la règle était celui de son anniversaire. En cette occasion, il doublait la ration de tabac. Par contre, il ne fumait point le jour de l'An, se promettant formellement au début de chaque année, de se défaire de cet abominable vice. Mais le 2 janvier, il revenait vite à sa pipe, à ses cigares et à ses cigarettes. Il faut convenir néanmoins qu'il avait fait preuve d'une certaine force de volonté.
Bismarck, selon ses propres paroles, n'aurait pas fumé moins de cent mille cigares, ce qui donne une moyenne de cinq cigares par jour, chiffre vraiment peu exagéré, si l'on considère que le terrible chancelier fut un fumeur impénitent et qu'il allumait très souvent son cigare avec le feu de celui qu'il venait d'achever.
Edison, l'inventeur célèbre, fume, ainsi que le rapporte un journaliste qui l'a interviewé, une dizaine de cigares par jour; mais lorsqu'il s'absorbe dans un travail qui demande beaucoup d'attention, il consomme un nombre double de havanes, parce que, prétend-il, cela stimule son cerveau.
Comme Doyle, le romancier anglais dont les romans judiciaires obtiennent actuellement en France un si grand succès, procède à peu près de la même manière. Lorsqu'un crime mystérieux s'est produit, il fait venir chez lui les gens susceptibles de lui fournir quelques éclaircissements, puis s'enferme dans son cabinet, s'allonge sur un divan et fume pipe sur pipe jusqu'à ce qu'il ait trouvé, selon lui, la manière dont le crime a été commis et qui l'a commis.

Le roi des fumeurs.

Des gens prétendent que le tabac est préjudiciable à la santé. D'autres le portent aux nues. Il est probable que tous ont raison parce que cela dépend exclusivement du tempérament du fumeur.
Il y a trois ans environ mourut à Vienne un vieillard de 63 ans qui depuis sa vingtième année avait eu la singulière idée de noter chaque jour la quantité de bière qu'il buvait et de tabac qu'il fumait. Selon ses notes, à cinquante-quatre ans, âge auquel il avait cessé de boire, il n'avait pas ingurgité moins de 38.786 litres de bières, mais quand au tabac, il n'avait pu parvenir à se maîtriser, et à sa mort, on put faire le compte: il avait fumé durant toute sa vie 628.723 cigares, soit 13.971 par an, ou si vous préférez 38 par jour. La comptabilité était fort bien tenue car sur ce chiffre formidable, il appert que 43.500 lui avait été donnés comme cadeaux en différentes occasions. Les 585.313 autres cigares qu'avait achetés ce dévot de "sainte Nicotine" lui avaient coûté environ 63.000 francs. Inutile donc d'ajouter qu'il ne fumait point des havanes de luxe.
Mais le cas le plus surprenant est sans contredit, celui du hollandais Van Klaes, connu aussi sous le nom de "roi des fumeurs". Cet individu mourut à quatre-vingt-un ans et pendant la plus grande partie de sa vie, il réduisit en cendres une dizaine de livres de tabac par semaine. Mais la passion pour cette plante sacrée était telle que, sur le point de mourir, il demanda qu'on lui fit un cercueil avec du bois de boîtes à cigares et que l'on mit à proximité de sa main droite un paquet de tabac, sa pipe d'écume de mer favorite qui était admirablement culottée et une boîte d'allumettes. De plus, il légua dix livres de tabac et deux pipes de sa collection à chacun de ses amis à condition qu'ils fumassent devant son cercueil et qu'ils en jetassent dessus la cendre, au moment où l'inhumation aurait lieu!

Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 27 janvier 1907.

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