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samedi 2 avril 2016

Fontaine du Palmier ou colonne du Châtelet.

Fontaine du Palmier ou colonne du Châtelet.


De tous les monumens qui embellissent aujourd'hui Paris, la grande capitale, une moitié appartient au règne de Louis XIV, l'autre moitié à l'empire de Napoléon, et c'est encore un rapprochement à ajouter à tous ceux qui ont été faits, entre deux époques qui ont plus d'une ressemblance entre elles. C'est seulement au milieu du dix-septième siècle que Paris a commencé à s'empreindre de sa physionomie moderne; alors, des travaux de tous genres s'exécutèrent comme par enchantement, et de nouveaux édifices remplacèrent ceux des temps passés.
La fontaine du Palmier, ou colonne du Châtelet, dont nous donnons la gravure, fut construite en 1807. 




Mais, avant d'entretenir nos lecteurs de ce monument, il ne sera peut être pas sans intérêt de tracer un tableau de Paris, lorsqu'il secoua définitivement, sous Louis XIV, les langes du moyen âge, et de voir les améliorations qu'y introduisit le grand roi, améliorations qui se développèrent avec magnificence sous le génie de Napoléon.
L'enceinte de Paris, au dix-septième siècle, s'était considérablement accrue; la ville était flanquée de plusieurs faubourgs sur les deux rives de la Seine, tous ces faubourgs environnés de murailles fermées.
Paris, au moyen âge, était concentré en l'île, tout catholique et religieux, ayant pour centre Notre-Dame, la grande et sainte cathédrale; il était clos sur la Seine par les deux abbayes de Saint-germain-l'Auxerrois et de Saint-Germain-des-Près, avec leurs jardins, leurs moulins, leurs riches propriétés, leurs fours banaux. Puis, il s'était élevé à Paris des métiers, la ville des confréries, avec ses étals, ses boucheries dans les rues Saint-Martin, Saint-Denis, le marché des Innocents, quartiers actifs, ayant leurs boutiques de bonneterie, leur orfèvrerie et leurs églises aussi, Saint-Eustache, Saint-Gervais, vieux patrons des métiers. 
Ensuite, Paris parlementaire et d'universités, s'étendant à l'île Saint-Louis et au Marais, avec ses rues larges et bien pavées, et au faubourg Saint-Germain, sur l'herbe verdoyante du Pré-aux-Clercs. Si la ville catholique et marchande était pleine d'églises et d'étals, la ville d'université et de parlement voyait des maisons régulières, bien bâties, des cours et places largement plantées, comme les solitudes de l'antique académie d'Athènes.
Il y avait aussi Paris royal avec ses palais, depuis les Tournelles jusqu'au Luxembourg nouvellement construit; et, descendant par le Pont-Neuf, oeuvre de Henri IV, jusqu'au Louvre, monument d'architecture de tous les âges.
Paris militaire, offrait de redoutables moyens de défense. D'abord la grande enceinte, de bonnes murailles épaisses de six à sept pieds; elle était flanquée de soixante-sept tours, chacune d'elles avec plate-formes et deux couleuvrines. Aux portes de Paris, était la Bastille, forte construction capable de résister à une attaque sérieuse. Pénétriez-vous dans la Cité, on ne voyait que rues étroites avec chaînes et bornes. Ce n'était pas sans motifs que les habitans avaient ainsi construit toute leur ville en rues serrées; n'était-il pas facile d'arrêter dans ces rues les francs-archers de la garde du roi, les mousquetaires et carabins, venant imposer leurs lois à la bourgeoisie? 
Aussi, combien ce voisinage de fenêtres à fenêtres n'était-il pas favorable au parlage des quartiers! on se connaissait tous comme francs amis et bons compères de même rue; on se prêtait son luminaire, on célébrait en commun les mêmes solennités. Si on était quartenier ou marguillier, toute la rue le savait; on se disait à travers l'huis toutes les nouvelles du jour; si le roi était entré dans sa bonne ville, si le parlement tiendrait sa séance, s'il y aurait mariage et fête à la paroisse, s'il y avait mortalité en la Cité, et si les vents impétueux s'étaient fait sentir pendant la nuit, s'il y avait peste et famines en quelques villes lointaines.
Tel était l'état de Paris, lorsque Louis XIV, en agrandissant les quartiers, en multipliant les édifices, donna à la physionomie de la capitale un caractère plus imposant. On fit un repavage général de Paris, en pierres larges et bien jointes; on perça de belles rues dans le faubourg Saint-Germain; tout fut tiré au cordeau; on put aller en carrosse dans la ville sans être cahoté à chaque pas; les bourgeois, clercs, médecins et bonnes dames purent renoncer à monter sur leur mules, et les filous de la famille de la Mère-Jeanne, si célèbre alors pour son argot, ne purent trouver abri dans l'obscurité, car des lanternes et réverbères furent attachés non loin les uns des autres, de telle sorte qu'un jour lumineux était jeté aux grandes rues.
Le Nôtre dessina le pompeux jardin des Tuileries; les arcs de triomphe des portes Saint-Denis et Saint-Martin, la colonnade du Louvre, les Invalides et l'Observatoire, ces deux édifices, glorieux par eux-mêmes et plus encore par leur but et leur pensée, attestèrent des génies des Perrault et des Blondel.
Ce grand oeuvre d'amélioration et d'embellissement, entrepris par Louis XIV, fut poursuivi avec activité par Napoléon. Paris lui doit beaucoup; il y fit exécuter un grand nombre de travaux et d'établissements utiles: le canal de l'Ourcq, les ponts d'Austerlitz, de la Cité, d'Iéna, plusieurs quais, marchés, abattoirs, les cimetières actuels, etc... appartiennent à l'administration impériale, chez laquelle le faste n'étouffait point le sentiment de l'utile, inséparable du vrai génie.
La colonne de bronze s'élève sur la place Vendôme, la seconde galerie du Louvre, l'arc de triomphe de l'Etoile; le temple de la Gloire (aujourd'hui la Madeleine), le palais de la Bourse, surgissent de leurs fondations. Puis, au centre de la place du Châtelet, à l'extrémité septentrionale du pont-au-change, l'empereur fait construire la Fontaine du Palmier, fontaine qui, par sa forme, son isolement, et par ses inscriptions à la mémoire des armées françaises, mérite le titre de monumentale. 
Au milieu d'un bassin circulaire de 20 pieds de diamètre est un piédestal qui porte une colonne de 52 pieds de hauteur; son fût à la forme d'un palmier et son chapiteau en offre les rameaux. De là est provenu la dénomination de cette fontaine.
Sur le piédestal sont quatre statues symboliques plus grande que nature; elles représentent la Loi, la Force, la Prudence, la Vigilance. Unies entre elles par la jonction de leurs mains, elles forment un cercle autour de la base de la colonne, dont le fût est divisé par des anneaux de bronze doré, sur lesquels sont inscrits les noms des victoires remportées par les Français. Aux quatre angles du piédestal sont placées quatre cornes d'abondance dont les parties inférieures se terminent par des têtes de poissons marins qui produisent quatre jets d'eau. La face du piédestal qui regarde le pont au Change, et la face opposée, sont décorées d'une large couronne de lauriers en reliefs, au centre de laquelle est une aigle éployée.
Au dessus du chapiteau de la colonne, on voit une portion sphérique, en bronze doré, d'où s'élance une figure du même métal: c'est celle de la Victoire, aux ailes déployées, élevant et tenant dans chaque main deux couronnes; car, ainsi que nous dit, ce monument fut construit en 1807; Napoléon était alors à l'apogée de sa puissance: il avait vaincu à Austerlitz, à Iéna, à Eylau, à Friedland, et la paix de Tilsitt venait de sanctionner ses glorieux succès!

Le Magasin universel, novembre 1836.

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