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mercredi 25 juin 2014

Les ex-libris.

Les ex-libris.


Un docte bibliophile, auteur de la seule étude publiée jusqu'à ce jour sur les ex-libris, définit ainsi ce qu'on doit entendre par ces deux mots:
"Pas un des dictionnaires de la langue française, dit-il, n'a admis le terme ex-libris, composé de deux mots latins qui signifient des livres... faisant partie des livres.
"Il est pourtant consacré par l'usage, et, se dit de toute marque de propriété appliqué à l'extérieur ou à l'intérieur d'un volume.
"Dans un sens plus restreint, il s'entend d'un motif d'art, blason, monogramme, allégorie, emblème, etc., gravé, en relief ou en creux, et fixé sur les gardes ou sur le titre d'un livre en signe de possession." (1)
L'ex-libris est donc un signe de propriété, c'est aussi parfois, selon nous, un souvenir touchant, quelquefois encore une sorte de marque pieuse dont il faut deviner le sens religieux, plus souvent un indice de la vanité du propriétaire d'une bibliothèque nombreuse et choisie dont on veut constater l'existence. Il se peut également que l'ex-libris soit une marque d'induction savante, et conduise celui qui a sérieusement étudié la matière à des découvertes utiles.
On assure que l'on ne rencontre pas en France d'ex-libris avant le seizième siècle, qui fut chez nous si éminemment littéraire. Cependant on remarque sur les Grandes chroniques de Saint-Denis que possède la Bibliothèque Sainte-Geneviève la signature de Charles V, le fondateur de nos bibliothèques, apposée au-dessus du globe terrestre. Ce double signe pourrait être un ex-libris, car il nous paraît être à la fois une marque de propriété et un emblème. En le faisant exécuter et en l'approuvant par son seing royal, que nul jusqu'à ce jour n'a contesté, Charles V n'a-t-il pas voulu prouver qu'il regardait la science comme l'institutrice du monde?
Selon l'auteur de l'Histoire de la cosmographie (2), cette représentation du globe a dû être exécutée entre les années 1364 et 1372, ce qui vieillit d'un bon nombre d'années l'origine des ex-libris français, que l'auteur cité dans notre note fait remonter seulement à l'année 1574.
Il est vrai, toutefois, que les ex-libris (qu'il ne faut pas confondre avec les marques typographiques) ne se trouvent en nombre considérable qu'au dix-septième et surtout au dix-huitième siècle. M. Poulet-Malassis nous le prouve dans le riche atlas dont il a illustré sa publication; on y voit cinquante-cinq gravures exécutées avec soin et avec une rare fidélité.
Les ex-libris sont en général accompagnés d'armoiries et de devises parfois ingénieuses. Le célèbre d'Hozier, celui qui vivait sous les règnes de Louis XIII et de Louis XIV, et dont la carrière laborieuse finit en 1660, aurait évité bien des recherches aux bibliophiles s'il eût publié, comme il en avait le désir, un traité spécial qu'il avait commencé sur les devises et les emblèmes adoptés par ceux qui font leur affaire principale de la culture des lettres et des sciences. (3) Nous reproduisons ici l'ex-libris de l'un de ses descendants, messire Louis-Pierre d'Hozier, né à Paris, le 20 novembre 1685, mort dans la même ville, le 25 septembre 1767. 



Il était juge d'armes de France. Ce fut lui qui eut la singulière pensée de publier une "Lettre en forme de défi littéraire." (Paris, 1756.) Ce fut grâce à ses soins et à ceux d'Antoine M. d'Hozier de Serigny fils, qu'on imprima, de 1736 à 1768, les dix volumes in-folio contenant l'Armorial ou Registre de la noblesse.
Comme contraste avec ces vanités parfois bizarres, qui ont donné lieu souvent à des discussions étranges, nous reproduisons aussi l'ex-libris des deux Salva, qui certes n'a rien de nouveau quant à l'emblème que tout le monde devine sans difficulté, car on le trouve employé comme marque typographique dans maint volume du seizième siècle. 



Or, pour qui a pu apprécier à sa juste valeur le grand bibliographe espagnol, il constate l'union la plus touchante d'un père et d'un fils presque aussi habiles l'un que l'autre, et qui partagèrent longtemps les mêmes travaux dans la France, qui fut leur refuge. Tous ceux qui ont connu personnellement D. Vicente Salva se rappellent avec sympathie et toujours avec gratitude la figure originale de ce savant libraire, qui se refusait parfois avec la plus vive énergie à la vente de quelques uns des précieux ouvrages dont se composait son magasin, mais qui jamais ne déniait un bon conseil littéraire ou n'hésitait pas à prêter un livre qu'on ne pouvait trouver que chez lui. Salva, qui était non seulement un savant bibliographe, mais encore un homme politique bien connu dans son pays, où il avait occupé les fonctions de député, renonça, en 1836, à la carrière commerciale qu'il avait honorée; mais il n'avait pas renoncé à la science. Il était revenu à Paris pour publier un magnifique ouvrage de bibliographie, enrichi d'innombrables figures, qu'il avait composé lentement de concert avec son fils, lorsque, le lendemain de son arrivée, en l'année 1849, il fut enlevé par le choléra.
D. Pedro Salva y Mallen, son fils unique, se livra dès lors tout entier à l'exécution du projet de son père; on peut dire qu'il y travailla sans relâche. Sa science bibliographique égalait presque celle de D. Vicente; ses efforts pour perfectionner l'oeuvre de patience et de science dont il avait hérité ne purent être néanmoins couronnés d'un plein succès. Enlevé par la mort à Sarrion, dans la provins de Terruel, le 3 novembre 1870, il ne put voir imprimée que le tome Ier de cette magnifique Bibliographie; l'oeuvre néanmoins était complètement achevée (4). Ce furent les fils de D. Pedro Salva qui en terminèrent la publication. C'est un véritable monument que trois générations de la même famille ont élevé à la gloire littéraire de leur pays.

(1) Poulet-Malassis, les ex-libris français depuis leur origine jusqu'à nos jours, Paris, 1875, nouv. édit, gr. in-8
(2) M. le vicomte de Santarem.
(3) Il est l'auteur de nombreux ouvrages héraldiques parmi lesquels il faut compter surtout les cent cinquante volumes manuscrits grand in-folio qui sont à la Bibliothèque nationale, et que le public vient consulter journellement.
(4) Ce beau livre porte le titre de : Catalogo de la biblioteca de Salva y Mollen, enriquecido con la descripcion de otras muchas obras, de sus ediciones. Valencia, impreta de Ferrer de Orga, 1872, 2 vol. grand in-8. Ce splendide catalogue, que l'on peut considérer comme une complète bibliographie, est enrichi de figures sur bois d'une admirable naïveté, et qui forment aujourd'hui une iconographie espagnole qu'aucun ouvrage ne saurait remplacer. Ces portraits ont été publiés pour la plupart du vivant des auteurs dont on signale les écrits.

Magasin Pittoresque, 1877.

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