Moines à l'étude.
"Ce fut longtemps une consolation pour le genre humain, dit Voltaire, qu'il y eût des asiles ouverts à tous ceux qui voulaient fuir les oppressions du gouvernement goth ou vandale. Presque tout ce qui n'était pas seigneur de château était esclave. On échappait dans la douceur des cloîtres à la tyrannie et à la guerre... Le peu de connaissances qui restait chez les barbares fut perpétué dans le cloître. Les Bénédictins transcrivirent quelques livres. Peu à peu, il sortit des monastères des inventions utiles..."
Les monastères ont, en effet, contribué pour la plus large part, dans les siècles de barbarie, à sauver quelque chose du trésor des sciences, des lettres et des arts, amassé dans l'antiquité. Dès leur origine, les religieux, dans beaucoup d'ordres monastiques, furent occupés à instruire à l'enfance, à soigner les malades, ou à se former eux-mêmes à la prédication, à la connaissance des livres saints, des auteurs ecclésiastiques, à celle même des écrivains profanes. Une des principales occupations des moines étaient de copier les anciens livres et d'en multiplier les exemplaires. Sans ce travail, une quantité de ceux que nous possédons aujourd'hui seraient absolument perdus.
Pendant longtemps, il n'y eut d'autres écoles, pour cultiver les sciences, que celles des monastères et des églises cathédrales, presque point d'autres écrivains que des moines. Lorsque les sciences et les lettres furent plus répandues, ce furent encore des congrégations qui gardèrent le privilège des plus hautes études et qui se chargèrent des travaux immenses d'érudition, qu'il semblait difficile d'accomplir, en effet, autrement qu'en communauté. Parmi les ordres savants, il suffit de citer les Bénédictins, établis au monastère du mont Cassin, en Italie, au sixième siècle, et qui eurent bientôt des maisons dans toute l'Europe; dans tous les temps, ils comptèrent parmi eux des hommes éminents par leur savoir et par leur talents. Au siècle dernier, une de leurs congrégations, celle de Saint-Maur près Vincennes, a exécuté les travaux les plus précieux pour l'histoire civile et ecclésiastique. Tout le monde connaît les noms des Mabillon, des Montfaucon, des Sainte-Marthe, des d'Achery, et l'érudition des Bénédictins est restée proverbiale.
A côté des Bénédictins se placent les Dominicains ou frères prêcheurs, dont l'institut ne fut fondé qu'au treizième siècle, par saint Dominique, et qu'illustrèrent bientôt les hommes les plus illustres de leur temps par leur science et leur éloquence. C'est à cet ordre qu'appartiennent, en effet, Albert le Grand, saint Thomas d'Aquin, Vincent de Beauvais, Tauler, Savonarole, etc. L'ordre des Franciscains, fondé vers le même temps par saint François d'Assise, s'honore aussi des noms de célèbres docteurs, tels que Bonaventure, Alexandre de Hales, Duns Scott, Roger Bacon.
Un protestant anglican, M. Algernon Taylor, a publié récemment un ouvrage curieux traduit en français sous le titre: Intérieur des couvents en Italie. Il raconte dans ce livre sa visite aux couvents de toute la Péninsule italique, depuis Nice jusqu'à Naples, et l'on y voit que beaucoup de religieux y sont encore occupés de savants travaux.
"Les religieux, dit-il, qui étudient pour se disposer aux ordres sacrés, vont souvent d'un couvent à l'autre pour y faire les différentes études auxquelles on les applique, chaque maison ayant des cours pour une branche spéciale. Ainsi, dans celle-ci, on étudie que la philosophie; dans celle-là, la théologie dogmatique; dans une troisième, la théologie morale; dans une quatrième, l'éloquence sacrée." Ce passage paraît se rapporter surtout aux couvents de Rome. M. Algernon Taylor entre dans quelques détails intéressants sur les différences qu'il a remarquées, pour le bien-être, entre les ordres mendiants et la plupart de ceux qui jouissent de revenus (possidenti) . Il s'était trouvé assez à l'aise pendant son séjour chez les Barnabites de Gênes, et il sollicitait un jour la permission de passer quelques semaines dans un couvent de capucins. Le gardien lui fit observer qu'il y vivrait fort mal. Somo signori i Barbabiti; noi altri, al contrario, siano poveri mendicati! ( Les Barnabites sont des messieurs; nous autres, au contraire, nous ne sommes que de pauvres mendiants!)
Magasin Pittoresque, 1866.
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