Chronique.
Tous les arts sont en progrès, c'est chose reconnue; mais nul ne s'est autant dépassé lui même que l'art culinaire. On a inventé des merveilles pour le maigre de ce carême; on parle de pièces de résistance monumentales, construites avec soixante-dix espèces de poissons, de vrais chefs-d'oeuvre exécutés avec les oiseaux d'eau.
Ceci nous rappelle une histoire du douzième siècle.
Un haut baron avait reçu pour pénitence de faire le pèlerinage de Saint-Denis à pied, avec des pois dans ses souliers. Dès la première station, le grand seigneur souffrait horriblement des pieds; cependant il ne voulait pour rien au monde manquer à l'ordre de son confesseur.
Alors il avisa une petite auberge, y entra, fit cuire ses pois, et les remit dans ses souliers. De cette manière, il put remplir ses devoirs de dévotion tout en douceur.
Nos grands seigneurs d'aujourd'hui, qui se régalent de si délicieuses choses pour l'abstinence du carême, suivent à aussi bon marché les commandements de l'Eglise que le faisait notre baron.
Les crimes abondent cette semaine. Celui qui tombe en ce moment sous nos yeux appartient à cette espèce de duel terrible qui, depuis le commencement du monde, se poursuit entre maris et femmes.
Le sieur Gisard étant mort subitement, l'autopsie voulut connaître la cause de cette fin inattendue, et le scalpel rencontra dans le sein du mort une forte quantité de cendres.
La femme de Gisard fut appelée à donner des explications sur cette nourriture insolite que semblait avoir prise son mari.
Après une foule de fables qu'on ne voulait absolument pas admettre, il lui fallut avouer la vérité.
Voyant son mari couché près du foyer, ivre et sans défense, elle avait eu la pensée d'obtenir son trépas d'une manière rapide et facile. Pour cela, composant une sorte de mortier avec de l'eau et de la cendre, elle le lui avait habilement introduit dans la bouche, en murant ainsi le souffle dans son sein, et le procédé avait parfaitement réussi à amener le résultat qu'elle désirait.
Cette moitié du sieur Gisard ira bientôt rejoindre l'autre dans la tombe.
Citons aussi ce méfait pour que les voyageurs des environs de Paris se tiennent sur leurs gardes, même lorsqu'ils n'apercevraient qu'une femme sur leur chemin.
Le sieur Philippe Guillet, ayant, ces jours derniers, passé la soirée chez un de ses amis, à la Villette, regagnait son domicile, lorsque, en passant sur la route de Bondy, il aperçut, par un beau clair de lune, à environ deux cents mètres devant lui, une femme marchant dans la direction qu'il suivait, mais beaucoup plus lentement.
Lorsqu'il fut arrivé près de cette belle dame, elle s'élança sur lui, et lui demanda, d'une voix qui manquait complètement de douceur et de charme, la bourse ou la vie.
Le sieur Guillet fit un pas en arrière, se mit en défense, et envoya un vigoureux coup de poing à ce visage qu'il jugeait assez barbu pour le recevoir.
Mais, par malheur, se montrèrent à l'instant deux compagnons de la belle voyageuse, qui venaient on ne savait d'où, et semblaient sortir de terre. Cependant Guillet, animé par la fureur et le désir de vendre chèrement sa vie, parvint à arracher le bâton d'un des bandits, et à s'en servir assez bien pour protéger sa retraite. Il s'enfuit ensuite rapide comme un trait.
Bon Dieu! où en serons-nous si les voleurs se mettent à arrêter par de beaux clairs de lune!
Ils ne seraient plus surpassés que par les loups du canton d'Ampilly.
Ces bêtes fauves jouissent d'une singulière renommée: il paraît que, seules dans leur espèce, elles sortent des bois et attaquent en plein jour. Cette assertion, qu'on aurait pu traiter de fable, vient d'être prouvée par la mort du jeune François Daumier, fils d'un maraîcher d'Ampilly.
On a tous les jours à constater l'excessive horreur que les assassins éprouvent pour la mort... lorsqu'il s'agit de la recevoir! Verger, l'un des plus cruels, a été aussi des plus lâches à ses derniers moments. On a vu souvent des innocents mourir avec calme, et MM. les assassins, les gens les moins logiques du monde, veulent parfaitement tuer les autres, mais non pas qu'on les tue.
On sait que, à Cambrai, le nommé Longuet, après avoir à demi étranglé sa femme, voyant qu'elle respirait encore, l'a mise entre deux matelas, puis s'est assis sur elle pendant une demi-heure, pour qu'elle eût bien le temps de mourir, et s'occupait pendant cela à marmotter des prières pour le repos de son âme.
Eh bien, Longuet, en s'entendant condamner à la peine de mort, est entré dans d'épouvantables convulsions de colère, puis est tombé dans un désespoir tel, qu'on ne sait s'il pourra vivre jusqu'au moment de son exécution, qui se prépare.
L'affaire des docks Napoléon et autres a donné lieu a un joli mot.
Un administrateur d'une grande affaire en commandite parlait à un de nos généraux de Crimée du grand nombre de gens qu'il employait dans ses bureaux.
- Savez-vous, disait-il, que si je réunissais tous mes employés dans un camp...
- Cela ferait un beau camp volant, interrompt le général.
Journal du Dimanche, 26 avril 1857.
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