Le drame de la rue de l'homme-armé.
Il y a des gens qui inventent des tours bien méprisables. De ce nombre est le sieur Isidore Grenouillet, lequel demeurait hier encore rue de l'Homme-armé, et est aujourd'hui logé au dépôt de la préfecture de police.
Voici la raison de ce changement de domicile.
On sait combien cette rue est étroite. C'est à peine si elle a quelques mètres de large. Cela ne l'empêchent pas de posséder des concierges comme les rues ordinaires, et ces concierges d'avoir des ennemis.
Grenouillet en voulait mortellement à deux d'entre eux, lesquels demeuraient face à face, et vivaient eux-mêmes en bien mauvaise intelligence.
Tous deux dormaient tranquillement dans leur loge, l'autre nuit, vers 2 heures du matin, lorsque Grenouillet survint. Il était muni d'un projet machiavélique et d'une forte corde.
Avec cette corde, il attacha étroitement l'une à l'autre les deux portes des concierges rivaux. Puis il sonna à ces deux portes et s'éloigna de quelques pas.
Les deux concierges ouvrirent en même temps ou plutôt essayèrent d'ouvrir. Leurs efforts se neutralisaient réciproquement. Pendant cinq à six minutes, ils tirèrent en jurant. L'infâme Grenouillet riait à se tordre.
Comme il n'est rien qui ne finisse par céder dans ce bas-monde, la corde finit par s'allonger un peu, et les portiers réussirent à passer leurs têtes par l'entre-bâillement de leurs portes.
Ils poussèrent le même cri d'horreur enroué, et avec la même fureur, eurent la même idée: celle de couper la corde.
Trente secondes plus tard, ils se ruaient l'un sur l'autre au milieu de la rue, Isidore était malade à force de rire.
Il devint moins jovial lorsque les agents, attirés par le bruit, devinèrent en lui l'auteur de cette fumisterie et l'emmenèrent au poste.
Les deux concierges, qui se sont mis réciproquement dans le plus déplorable état, ne le ménageront pas lors du procès qui va avoir lieu.
Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 17 mai 1903.
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