Chronique.
Jamais on n'a eu autant de morts subites à constater que depuis une année. Nous n'en rapporterons pas la nomenclature, qui serait beaucoup trop longue; mais on pourrait remarquer que, dans notre temps où on fait tout en poste, à la vapeur, on va se mettre à mourir beaucoup plus vite.
Il est triste de penser que, dans ces cas foudroyants, peut être un certain nombre de personnes frappées sont enterrées vivantes. Cela devrait bien faire songer au système de ce bon philanthrope, qu'on n'écoute pas, et qui voudrait, avec tant de raison, faire brûler les morts.
Dans une commune limitrophe de Lyon, une jeune femme, Amélie R... , était décédée et déposée dans sa bière. La nuit devait encore précéder l'enterrement; deux vielles femmes veillaient auprès du corps. Elles crurent entendre un choc à l'intérieur du cercueil et un faible gémissement. Épouvantées, elles s'enfuirent au dehors en criant:
- Au revenant!
Le mari d'Amélie traita ce récit de fable, et s'opposa à l'ouverture du cercueil, qu'il regardait comme une profanation.
La mère de la jeune femme, au contraire, s'armant d'une hache, brisa la bière, et bientôt on reconnut qu'une léthargie, qui durait depuis deux jours, avait fait supposer la mort de cette infortunée, qui pourtant respirait encore, et que, maintenant, on espère rappeler à la vie.
Et, puisque nous en sommes sur ce sujet, nous demanderons à nos lecteurs lequel, à leur avis, aimait le plus ardemment Amélie, ou du mari qui repoussait la moindre profanation pour ses restes, ou de la mère qui sacrifiait tout au plus fragile espoir?
Voici un autre tableau d'intérieur.
Un jeune homme de Paris, Félix B... , qui habite depuis quelques mois Lyon, se fiançait la semaine dernière avec Julie D... , fille de négociants en soieries.
Il y avait ce jour là un repas de famille. Un cousin de la jeune fille, qui arrivait par le chemin de fer, vint se mettre à table le dernier.
A sa vue, le futur pâlit. Cependant, après avoir vaincu sa première émotion, il prit à part le nouveau venu, et échangea avec lui quelques paroles à voix basse. Le repas eut son cours; mais, sans qu'on s'en rendit compte, cet incident y avait répandu une tristesse mortelle.
Le lendemain, M. D... reçut une lettre dans laquelle Félix B... exprimait ses regrets de rompre l'union qu'il devait contracter avec sa fille.
C'est que ce malheureux jeune homme était connu du cousin de Julie, qui l'avait vu à Paris condamné pour faux; et, après avoir tremblé à son aspect comme devant la tête de Méduse, il lui avait demandé de ne pas faire d'éclat, en jurant qu'il se retirerait de lui-même le lendemain.
Avis aux parents qui marient leurs filles sans savoir à qui ils les donnent.
Le vénérable curé de Villards, monté sur un âne, et suivi de son domestique Firmin, un pauvre vieillard aveugle, allait, à la nuit tombée, porter les derniers sacrements à un mourant hors de son village.
A peine est-il sur la route qu'il se voit entouré par quatre hommes, qui, le pistolet sur la gorge, lui demande l'argent qu'il porte sur lui, avec les plus horribles menaces pour le cas où il n'aurait rien à leur livrer.
Le malheureux ecclésiastique, épouvanté, se laisse renverser de son âne et coucher sur la terre, où les bandits lui lient les pieds et les mains pour le fouiller.
Alors le vieil aveugle, sans perdre la tête, dit aux bandits que, en y songeant, ils devraient bien comprendre que M. le curé ne porte pas son argent sur lui, mais que, s'ils veulent bien le laisser à cette place sans lui faire aucun mal, il va les conduire au presbytère, où ils trouveront dix mille francs dans son secrétaire.
Les voleurs consentent, et Firmin les conduit au village.
On aperçoit déjà dans l'ombre la porte du presbytère, lorsque l'aveugle disparaît subitement.
Les bandits s'étonnent; mais, forts de leurs informations, ils pénètrent dans la maison du curé, commencent par se procurer de la lumière, et vont tout ouvrir et tout piller.
A cet instant, un formidable carillon de cloches retentit; c'est un indicible mélange de tocsin, de sonnerie de fête, de glas funèbre, perçant les rues.
Le village entier s'est jeté de son lit sur le pavé, entoure le presbytère et l'église. On voit que l'adroit aveugle, se glissant dans le clocher, venait de jouer au plus fin, et avait trouvé moyen de sauver son maître. En ce moment, il n'a plus qu'à crier de toutes ses forces: "Au voleur!" pour faire prendre encore les quatre bandits.
Journal du Dimanche, 3 mai 1857.
Les voleurs consentent, et Firmin les conduit au village.
On aperçoit déjà dans l'ombre la porte du presbytère, lorsque l'aveugle disparaît subitement.
Les bandits s'étonnent; mais, forts de leurs informations, ils pénètrent dans la maison du curé, commencent par se procurer de la lumière, et vont tout ouvrir et tout piller.
A cet instant, un formidable carillon de cloches retentit; c'est un indicible mélange de tocsin, de sonnerie de fête, de glas funèbre, perçant les rues.
Le village entier s'est jeté de son lit sur le pavé, entoure le presbytère et l'église. On voit que l'adroit aveugle, se glissant dans le clocher, venait de jouer au plus fin, et avait trouvé moyen de sauver son maître. En ce moment, il n'a plus qu'à crier de toutes ses forces: "Au voleur!" pour faire prendre encore les quatre bandits.
Journal du Dimanche, 3 mai 1857.
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