Les gaîtés du télégraphe.
En Angleterre, pays modèle, MM. les employés de la poste ne s'adonnent pas toujours tout entiers à leur besogne administrative. Ils se laissent distraire de leur tâche par le bagout d'un collègue, la lecture des journaux et magazines, ou travaillent hardiment à découvrir quel sera le cheval gagnant du Derby. Il en résulte dans la transmission des télégrammes que leur confie le public certaines erreurs dont l'effet pourrait être tragique, mais qui donnent lieu le plus souvent à des scènes amusantes. Racontons quelques "bonnes plaisanteries" imaginées par le télégraphe anglais.
L'aveu de la femme coupable.- Un bonnetier, en tournée commerciale aux environ de Londres, reçoit un jour de sa femme un télégramme ainsi conçu: "Mon cher mari, sois heureux, je m'envole (I flee) avec M. X..." Fureur, désespoir du négociant. Quelle impudence chez la coquine! Notre homme saute dans un train en partance pour la capitale, puis, stimulant le zèle d'un cocher de cab, arrive chez lui, une heure après avoir reçu la terrible dépêche.
Il s'informe auprès d'un employé de confiance. Madame est dans son appartement. Elle n'a fait, que l'on sache du moins, aucun préparatif de départ.
En effet, la femme du bonnetier n'a pas quitté son logis, recevant pour affaire M. X... , gorgeant son visiteur de crème, de thé, de gâteaux secs. Elle a télégraphié à son mari: "Je prends le thé (I tea) avec M. X... " Or, ce M. X... est un acheteur dont la clientèle n'est pas à dédaigner.
Votre âne est mort.- "Your ass (votre âne) est mort, écrit à un citadin un notaire de campagne. Venez aussitôt en mon étude. Nos prévisions du 25 mai dernier vont se réaliser, je pense!." L'homme des villes ne comprend mot au télégramme de l'homme des champs. Mais il sait que le notaire est un homme incapable d'imaginer une plaisanterie. Il se rend au lieu-dit et apprend le trépas de sa tante. Your aunt aurait dû lire l'employé du télégraphe.
Comme il héritait de la défunte, il pardonna à l'administration postale.
Une dépêche venue des Indes- Bien amusante aussi la dépêche adressée aux journaux anglais par une agence d'information de Bombay, à propos de l'inauguration d'une ligne de chemin de fer par le représentant du roi Edouard. "Le gouverneur vient de bêcher (turn sod, retourner du gazon), enthousiaste cérémonie!"
Les journalistes essayaient, mais en vain, de comprendre le sens de la nouvelle baroque. On fit appel aux lumières d'un employé supérieur du télégraphe.
- Je vois ce que c'est, dit l'homme de métier. Nos collègues de Bombay ont mal transcrit le manuscrit à eux confié par l'agence. Il faut lire: Le gouverneur, two sons (avec ses deux fils, à inauguré etc...
Une ville inconnue- Même quand il ne pêche pas par omission ou par substitution de mots, le télégraphe joue des tours drolatiques. Durant la guerre contre les Zoulous, il transmit à la vieille Angleterre cette laconique dépêche.
"Les Zoulous viennent de prendre Umbrage!"
Journalistes, géographes, politiciens ignoraient l'existence de cette ville. Pendant quarante-huit heures, tous les patriotes anglais cherchèrent en vain sur la carte de l'Afrique du Sud l'emplacement occupé par la cité tombée entre les mains des sauvages. On ne trouva rien. Et pour cause. L'expression prendre ombrage (take umbrage) veut dire simplement: se défier, se tenir sur ses gardes.
Catastrophe- Quand ils se permettent de ne pas reproduire les mots d'un télégramme dans leur ordre naturel, les serviteurs de la Fée Bleue, l'Electricité, transmettent aux journaux des informations trop sensationnelles.
Un journal anglais publiait, un jour, ce télégramme de son correspondant français:
"Près de Chantilly, accident sur la ligne du Nord: tués 2.453, un soldat."
Les Londoniens purent croire que trois ou quatre trains venaient de se livrer bataille dans la gare de Chantilly. Or il n'y avait qu'un accident regrettable, mais de mince importance. Un soldat (2453 était son numéro matricule) venait de se suicider en se jetant sous une machine en marche.
Écrasé très doucement- Le télégraphe fait de l'ironie, parfois une ironie vraiment condamnable!
Une pauvre femme reçoit, un soir, cette dépêche:
"Venez vite, votre mari vient d'être écrasé très doucement (nicely)."
Affolée, désespérée, la dame saute dans un cab pour se rendre sur le lieu de l'accident. Elle trouve son mari bien vivant, mais encore tout nerveux d'une chute provoquée pat un cheval échappé. On lui avait télégraphié: "Votre mari a été sur le point (nearly) de se faire écraser. Inutile de dire qu'elle pardonna de grand cœur aux employés distraits.
Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 24 mai 1903.
Une dépêche venue des Indes- Bien amusante aussi la dépêche adressée aux journaux anglais par une agence d'information de Bombay, à propos de l'inauguration d'une ligne de chemin de fer par le représentant du roi Edouard. "Le gouverneur vient de bêcher (turn sod, retourner du gazon), enthousiaste cérémonie!"
Les journalistes essayaient, mais en vain, de comprendre le sens de la nouvelle baroque. On fit appel aux lumières d'un employé supérieur du télégraphe.
- Je vois ce que c'est, dit l'homme de métier. Nos collègues de Bombay ont mal transcrit le manuscrit à eux confié par l'agence. Il faut lire: Le gouverneur, two sons (avec ses deux fils, à inauguré etc...
Une ville inconnue- Même quand il ne pêche pas par omission ou par substitution de mots, le télégraphe joue des tours drolatiques. Durant la guerre contre les Zoulous, il transmit à la vieille Angleterre cette laconique dépêche.
"Les Zoulous viennent de prendre Umbrage!"
Journalistes, géographes, politiciens ignoraient l'existence de cette ville. Pendant quarante-huit heures, tous les patriotes anglais cherchèrent en vain sur la carte de l'Afrique du Sud l'emplacement occupé par la cité tombée entre les mains des sauvages. On ne trouva rien. Et pour cause. L'expression prendre ombrage (take umbrage) veut dire simplement: se défier, se tenir sur ses gardes.
Catastrophe- Quand ils se permettent de ne pas reproduire les mots d'un télégramme dans leur ordre naturel, les serviteurs de la Fée Bleue, l'Electricité, transmettent aux journaux des informations trop sensationnelles.
Un journal anglais publiait, un jour, ce télégramme de son correspondant français:
"Près de Chantilly, accident sur la ligne du Nord: tués 2.453, un soldat."
Les Londoniens purent croire que trois ou quatre trains venaient de se livrer bataille dans la gare de Chantilly. Or il n'y avait qu'un accident regrettable, mais de mince importance. Un soldat (2453 était son numéro matricule) venait de se suicider en se jetant sous une machine en marche.
Écrasé très doucement- Le télégraphe fait de l'ironie, parfois une ironie vraiment condamnable!
Une pauvre femme reçoit, un soir, cette dépêche:
"Venez vite, votre mari vient d'être écrasé très doucement (nicely)."
Affolée, désespérée, la dame saute dans un cab pour se rendre sur le lieu de l'accident. Elle trouve son mari bien vivant, mais encore tout nerveux d'une chute provoquée pat un cheval échappé. On lui avait télégraphié: "Votre mari a été sur le point (nearly) de se faire écraser. Inutile de dire qu'elle pardonna de grand cœur aux employés distraits.
Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 24 mai 1903.
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